Sur la placed’al Hoceima Mohammed VI – la scène de l’agitation tout le long de cette année danscette ville du haut de l’Atlas au nord du Maroc – un arc-en-ciel géantapparaîtra dans le ciel au-dessus de la Méditerranée, alors que sur le terrain, la vie de lapopulation de cette région pauvre du Rif est moins colorée.
Des élémentsde la brigade anti-émeute, lourdement armées se sont déployés pour empêcher unemanifestation marquant l’anniversaire cette semaine de la mort du vendeur depoisson locale, Mouhcine Fikri.
Pour rappel,Le jeune Fikri a trouvé la mort en 2016 après avoir été écrasé par la benne arrièredu camion d’éboueur, alors qu’il tentait de récupérer sa marchandise, saisi parla police. Sa mort dans des conditions atroces a mis le feu aux poudres dans larégion, à travers un soulèvement populaire qui a embrasé tout le pays.
Il s’agit de la première étincelle à unerévolte populaire (Hirak Shaabi), un mouvement de protestation populaire, leplus grand défi aux au palais de Rabat depuis le printemps arabe de 2011, qui acontraint le Roi à faire des concessions dans l’espoir d’éviter les scenariosTunisien et Égyptien. Mais cette fois,le Makhzen a réprimé sauvagement les manifestants. La répression n’a pasépargné les dirigeants du Hirak, des journalistes ont aussi payé le prixd’avoir pris le risque d’assurer la couverture médiatique de ce mouvement de protestationsdont les revendications sont, à la base, d’ordre socio-économique.
Selon lequotidien Britannique “The Guardian” Cette grave crise dans le Rif Marocain aentraîné un exode inédit des Riferains persécutés et les jeunes chômeurs désespérés,dont un grand nombre a tenté de rejoindre l’Europe. Cet été, le nombre desréfugiés et de migrants ayant tenté la traversée entre le Maroc et l’Espagne afortement augmenté. En août, près de 600 personnes ont été secourus au largedes côtes de Tarifa en une seule journée.
Selon lesderniers chiffres publiés par Frontex, l’Agence européenne des frontières, aucours des huit premiers mois de l’année en cour, le nombre de migrants ayantessayé de rentrer en Espagne (principalement en provenance du Maroc à traversle détroit de Gibralta) a atteint, environ 13 600,soit près de troisfois la figure de la même période en2016, estime Frontex.
De nouvelles vagues de jeunes Marocainsmarginalisés en voie de l’exode vers l’Europe ?
Desreporters du Guardian ont rencontré des réfugiés Marocains dans les villesespagnoles de Algeciras et Tarifa, et qui avaient fui les persécutions àHoceima au début de l’été.
Deux frères,28 et 19 et leurs deux cousins, de 21 ans, ont été parmi les personnessecourues en plein Méditerranée le mois d’août dernier. Ils ont fait latraversée à l’aide d’un jet ski à partir de la Plage Souani, ils avaientcouvert en mer une distance d’environ (180km).
«Nousétions quatre sur un même jet ski. Il nous a fallu six heures pour couvrir letrajet entre Hoceima à Motril » a confié l’un des quatre Rifains auGuardian, soulignant qu’ils ont fui l’enfer Marocain pour demander l’asile enEspagne.
«Lapolice anti-émeute marocaine nous a violemment tabassés lors desmanifestations. J’ai des marques sur ma main et partout dans mon corps, leMaroc n’est plus en mesure d’offrir quoi que ce soit à la jeunesse, le systèmeest gangrené par les malversations et la corruption, et au bord de l’asphyxie »a témoigné un des interlocuteurs du quotidien Britannique, rencontré enEspagne.
Un desreporter du tabloïd anglais, qui a tentéde réaliser un documentaire au Maroc, a tenu à souligner que l’atmosphère était extrêmement tendue à Hoceima au point où il a étéinterpellé Manu militari par des policiers en civil, au milieu d’une entrevueavec des jeunes qui s’apprêtaient à quitter le pays.
Il a étéescorté immédiatement à Casablanca par trois officiers et expulsé vers Londres.Sur le chemin de Hoceima à Casablanca, le journaliste a été témoin du degré depaupérisation de la région du Rif.
Il en évoque,entre autres des routes en mauvais état dans cette région oublié par leMakhzen, une région qui accuse un déficit conséquent en matièred’infrastructures de base, sans oublier «des villages démunis qui vivent aurythme des sociétés primitives», a-t-il relevé.
Pour le reporter du Guardian, la région du Rifest effectivement la face cachée d’un Maroc au bord de l’explosion.