Par Djamel Bouatta
Le président palestinien, Mahmoud Abbas, rencontrera pour la première fois mercredi à la Maison-Blanche son homologue américain, Donald Trump, pour tenter de relancer les négociations de paix israélo-palestiniennes, dans l'impasse depuis plusieurs années.
Durant sa campagne, Donald Trump a promis aux Israéliens, à travers Benyamin Netanyahou, leur Premier ministre, et le puissant lobby juif américain, de reconnaître Jérusalem (Al-Qods) comme capitale d'Israël et d'y installer l'ambassade des Etats-Unis. Après son investiture en janvier 2017, le nouveau président américain devait en effet rompre avec la politique de son prédécesseur Barack Obama et se rapprocher de Tel-Aviv, rejetant la solution des deux États distincts et, outre le déménagement de l'ambassade américaine à Jérusalem, il s’était montré conciliant face aux colonies de peuplement israéliennes dans des territoires palestiniens.
Le président Abbas avait rétorqué ne plus reconnaître Israël : c’est la dernière cartouche diplomatique qui lui est restée, lâché qu’il est par ses pairs arabes, notamment du Golfe. Vendredi 12 mars, Donald Trump revient sur le dossier palestinien après avoir remis en cause le principe de deux Etats défendus par la communauté internationale, y compris la chefferie arabe : il téléphone au président palestinien qu’il invite à la Maison-Blanche pour relancer le processus de paix israélo-palestinien.
Après deux mois au Pouvoir, Donald Trump se rend donc compte qu’il ne peut pas d’un coup de main balayer un conflit au cœur des relations entre Occident et monde musulman. En outre, même dans son propre pays, son alignement inconditionnel aux faucons israéliens n’est pas entièrement partagé. L'administration Trump est même allée jusqu’à mettre en garde Israël, fin mars, contre la tentation de Benyamin Netanyahu d'annexer une partie de la Cisjordanie occupée. Cette position a été interprétée comme un retour du président Donald Trump à la politique plus classique de Washington dans le conflit israélo-palestinien.
Avant de s’envoler à Washington, le président Mahmoud Abbas a consulté le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi et le roi Abdallah II de Jordanie, tous deux reçus déjà à la Maison-Blanche. Les deux pays, les seuls dans la sphère arabe à avoir signé la paix avec Israël, ont plaidé auprès de leur hôte étasunien pour que ‘’les Etats-Unis retrouvent un rôle actif dans le processus de paix israélo-palestinien’’, au point mort depuis 2014.
Les derniers pourparlers de paix sous l'égide des États-Unis avaient échoué cette année-là, à cause des surenchères israéliennes sans cesse renouvelées et élargies. Mahmoud Abbas avait pourtant passé, pendant 10 ans, des heures au téléphone et dans des entretiens privés avec les présidents et secrétaires d'État américains pour obtenir la reconnaissance de l'État palestinien. Il est parvenu à faire passer le statut de la Palestine au sein de l’ONU à celui d’Etat observateur et dans ses organes multilatérales et une dynamique de reconnaissance s’est déclenchée en Amérique Latine et dans des Parlements européens. Au point où aujourd’hui, Benyamin Netanyahou se trouve isolé sur la scène mondiale : il ne voyage pratiquement plus qu’aux Etats-Unis.
Maintenant, il reste de savoir si la rencontre Trump-Abbas ne sera qu’un geste symbolique ou le point de départ d’un vrai engagement des Etats-Unis en faveur d'un processus de paix au Proche-Orient ? Une chose est certaine, le président palestinien va explicitement évoquer la solution dite à deux États, avec laquelle son hôte a pris ses distances lors de ses deux rencontres avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, janvier et mi-février derniers.
Avant de prendre l’avion, Mahmoud Abbas a souligné sa détermination en faveur de la paix comme un choix stratégique pour l'instauration d'un État palestinien au côté d'Israël. La création d'un État palestinien est d’ailleurs la solution de référence de la communauté internationale pour résoudre l'un des plus vieux conflits territoriaux de la planète. Washington semble y souscrire de nouveau, c’est du moins ce que laisse présager cette invitation de Mahmoud Abbas accompagnée par la réouverture de lignes de communication avec les Palestiniens par la nouvelle administration américaine.
L'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, a rencontré la semaine dernière pour la première fois l'ambassadeur palestinien aux Nations unies, Riyad Mansour. Donald Trump exercera-t-il les pressions qu’il faut pour que Benyamin Netanyahou renonce à son ‘’Grand Israël’’ de la Méditerranée au Jourdain ?
La presse de Tel-Aviv a ressorti à l’occasion du séjour américain de Mahmoud Abbas l’Etat palestinien version premier ministre israélien. Un Etat démilitarisé qui n'aurait pas une souveraineté absolue notamment en matière militaire sur l'ensemble du territoire qui lui serait dévolu, avec la Cisjordanie comme zone tampon, cogéré par Tsahal.
La veille de la rencontre Trump-Abbas, le nouveau patron de la CIA, Mike Pompeo, a multiplié les voyages au Moyen-Orient : Amman, Djeddah, Le Caire... les alliés traditionnels consultés, l'approche de bricolage de Benyamin Netanyahu sera-t-elle reprise par Washington ?