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Quelles perspectives pour le Brexit, après la sortie de la Grande Bretagne de la zone Européenne ?

24-06-2016 13:39  Pr Abderrahmane Mebtoul

Le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord est une monarchie constitutionnelle ayant rejoint la CEE en 1973. Vers la fin des années 1990, le Pays de Galles, l’Ecosse et l'Ulster ont obtenu une autonomie accrue et d'importants transferts de compétences, cette autonomie ayant été renforcée en Ecosse, suite à l'échec du référendum d'indépendance de septembre 2014. Lors des dernières élections générales, organisées en mai 2015, le Premier ministre sortant David Cameron a pu conserver son poste, mais le parti anti-immigration et europhobe UKIP a fait son entrée pour la première fois en octobre 2014, vingt-deux ans après sa création, vient de remporter la victoire. Etant beaucoup plus le porte parole des USA en Europe, son adhésion au sein de l’UE est toujours demeuré partiel ayant toujours privilégié ses intérêt économiques. Le pays conserve sa monnaie la livre sterling et pas l’euro, les accords de Schengen lui donnant un statut particulier bien qu’il ait été un acteur actif dans la construction d’une politique européenne de sécurité et de défense lors du sommet de Saint-Malo de 1998. Et voilà que le 23 juin 2016, les Britanniques ont voté à 51,9% pour une sortie de l'Union européenne. Cela change incontestablement le devenir de l’Union européenne où l’Allemagne partisan d’une rigueur budgétaire se retrouve tête à tête avec la France qui prône un assouplissement des règles monétaires et budgétaires de Bruxelles.

1.-Les premiers effets sont là, à savoir après l’annonce des résultats, David Cameron annonçant son départ en octobre 2016 sans compter le risque de scission avec l’Ecosse et l’Irlande qui veulent rester dans l’Union européenne. Les Bourses asiatiques et la livre sterling ont plongé de près de 10 % et pour le pétrole (24/06/2016), le Wit est coté à 48,05, le Brent à 48,66 dollars et la cotation euro/dollar à 1,1109 dollars un euro. Tout dépendant de la gestion de cette transition, à moyen terme, les entreprises qui souhaiteraient investir durablement pourraient s’orienter vers d’autres pays offrant l’avantage de se trouver sur le territoire du 'marché unique'. Certains préconisent déjà de transférer la City à Francfort. Selon bon nombre d’analystes, les Britanniques auront deux ans pour négocier les modalités de sa sortie et la nature de ses futures relations avec les 27 avec des incertitudes. Transitoirement s’offrent plusieurs scénarios. Un accord d’association assimilable à celui de la Norvège. Mais en contrepartie, contredisant les discours des partisans du Brexit, le Royaume-Uni devrait continuerait d’appliquer la libre-circulation et les normes européennes. Le scénario suisse d accords bilatéraux mais là aussi, cela l’obligerait aussi à respecter la libre-circulation. Troisième scénario, un accord bilatéral de libre-échange comme celui signé par le Canada. Chacune présente des inconvénients. Faute d'accord, c'est le régime de l'OMC qui s'applique. À savoir pas d'accès au marché unique et mise en place de barrières douanières selon l'application de la «clause de la nation la plus favorisée». Dans le scénario noir d'une sortie sans accord de libre-échange, l'assureur crédit Euler Hermesa évalué les pertes pour l'export britannique à 30 milliards de livres en 2019, soit 8% du total des exportations britanniques. Selon Carolyn Fairbairn, directrice générale de la CBISur le retrait de l’Union européenne "Brexit" coûtera 100 milliards de livres à l'économie, quelque 950.000 emplois, ce qui signifie que le taux de chômage en 2020 serait de 2% à 3% plus élevé que si le pays restait dans l'UE. Sur le plan politique, la Grande Bretagne verra ses relations renforces avec les Etats Unis ‘Amérique, avec notamment le gel de la négociation du Traité transatlantique, du marché unique digital, n’étant plus concerné par la conséquence des tensions géostratégiques au niveau du Tiers monde notamment au Moyen Orient et en Afrique noire et en Afrique du Nord . Par ailleurs, ce vote peut impulser les partis europhobes européens aux Pays-Bas, en République Tchèque, en Pologne, au Danemark et en France. Selon un sondage publié par l’Express du 24/06/2016, pour la France, les sympathisants de gauche (76%) comme de droite (75%) sont opposés à une sortie, contrairement aux proches du Front national qui y sont très favorables (77%). Et seulement 31% des personnes interrogées voient dans la construction européenne "une source d'espoir".

2.-Quelle est la situation de l’économie britannique et sa coopération avec l’Algérie ? La Grande-Bretagne avec 64 millions, a un produit intérieur brut PIB (2014) de 2231,5 milliards euros en 2014 ,un PIB par habitant de 34.579 euros (agriculture : 0,7 %- industrie : 21,6%- services : 76,9 %) , un taux de croissance de 2,6% , un taux de chômage de 5,8% mais avec un taux pour les jeunes de 20%, la Grande Bretagne est la 5ème économie mondiale avec une exportation de 407,4 et une importation de 493,8 milliards euros. Pour 2015, le déficit public est estimé à 3,9 % et le ratio de dette nette baisserait dès 2015-16, à 82,5 % du PIB (87,1 % pour la dette brute au sens de Maastricht). Ses principaux clients sont : Suisse (12,8%) Etats-Unis (10,6%), Allemagne (8,2%), Pays-Bas (6,9%), France (5,8%), Irlande (5,2%). et ses principaux fournisseurs : Allemagne (13,2%), Chine (8,3%), Pays-Bas (8,1%), Etats-Unis (7,0%), France (5,7%), Belgique (4,7%). Selon des documents du gouvernement britannique, le pays est confronté à un défi énergétique sans précédent : fermeture d’ici 2020 d’un quart de ses capacités de production d’électricité ; mix énergétique dominé par les énergies fossiles ; engagement ambitieux en matière de réductions de CO2 (-34%/2020 et 80% d’ici 2050). Il s’engage à remplacer d’ici 2025 l’ensemble de sa production au charbon (29% du mix électrique en 2014), en construisant de nouvelles centrales au gaz, dont l’approvisionnement dépendra du développement du gaz de schiste et de la production en mer du Nord ainsi qu’avec l’arrivée progressive à compter de 2025 d’un parc de centrales nucléaires, la première, à Hinkley Point, devant regrouper deux EPR de 3ème génération construits par EDF Energy. Concernant la coopération avec l’Algérie, les échanges commerciaux étaient relativement modestes, ayant atteint, en 2010, 2 milliards de dollars, dont 1,260 milliard d’exportations algériennes et 771 millions de dollars d’importations, mais elles ont fortement progressé entre 2012/2014. En 2015, selon le CNIS à l'importation pour les échanges algéro-britanniques, nous avons 903 millions de dollars représentant 1,75% et à l’exportation 2.883 millions de dollars soit 3,8 milliards de dollars contre 2,5 milliards de dollars en 2012. Pour, l’année 2015, selon les statistiques publiées par le CNIS, l’Espagne était le principal client de l’Algérie, avec 6,56 milliards de dollars (mds usd), suivie de l’Italie (6,16 mds usd), la France (4,92 mds usd), la Grande-Bretagne (2,88 mds usd), les Pays-Bas (2,28 mds usd) et la Turquie (2,07 mds usd). Les principaux fournisseurs de l’Algérie, la Chine occupe la première place pour la troisième année d’affilée, avec (8,22 mds usd), suivie de la France (5,42 mds usd), de l’Italie (4,82 mds usd), de l’Espagne (3,93 mds usd), de l’Allemagne (3,38 mds usd) et des Etats-Unis (2,71 mds usd). Selon les statistiques officielles, ces chiffres dévoilent également que 63,49% des importations de l’Algérie proviennent des pays de l’OCDE qui sont également la destination des 82,64% des exportations algériennes. Les membres de l’Union européenne sont les principaux partenaires commerciaux de l’Algérie qui y importe à hauteur de 49,21% de ses produits et y exporte 68,28% des biens qu’elle produit dominées par les hydrocarbures.

3.-En résumé, l’Europe avec la sortie de la Grande Bretagne est amputée de 14 % de son PIB, devant revoir le budget européen, et compenser les 10 milliards de pounds de contributions nettes du Royaume-Uni. Mais pour l’instant la mesure précise des impacts économiques et politiques du retrait de la Grande Bretagne au sein de l’Union européenne en est à sa première évaluation. Mais il est admis que la vague de nationalisme, du retrait sur soi, entraînera forcément un ralentissement de la croissance de l’économie mondiale et donc plus de chômage. Certains politiques et experts, reconnaissent que l’élargissement à 27 a été fait dans la précipitation, préconisent pour éviter la dislocation de l’Union européenne, un assouplissement des règles de Bruxelles axée sur l’emploi, une Europe plus citoyenne et sociale, le renforcement du couple franco-allemand qui constituerait le noyau dur mais devant aller vers une Europe plus sociale et citoyenne.

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