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Quelles perspectives pour le 3ème sommet du Forum des pays exportateurs de gaz à Téhéran ?

22-11-2015 17:19  Pr Abderrahmane Mebtoul

L’adoption d’une vision unifiée à long terme sur les prix gaziers, la sécurisation des approvisionnements et la promotion de l’utilisation du gaz naturel comme une énergie propre sont les principaux enjeux auxquels doit faire face le Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) qui se tiendra lundi à Téhéran (Iran).

Le Forum se tiendra en présence de Chefs d'Etat ou de gouvernement des pays membres dont le Premier ministre, Abdelmalek Sellal (photo), qui se trouve, depuis dimanche, dans la capitale iranienne pour représenter le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à cette rencontre.

Créé en 2001 dans l’objectif de défendre les intérêts des principaux pays exportateurs de gaz, le Fpeg n’a toujours pas pu y parvenir et demeure, près de 15 ans après, confiné à la seule tâche d’assurer un canal de dialogue et de concertation entre ses Etats membres.

Le 3ème sommet du FPEG  qui se tiendra donc le 23 novembre 2015 à Téhéran et qui sera consacré à l’évaluation de la situation actuelle du marché gazier international, apportera t-il des solutions, objet de cette présente contribution.

1.-Il ne faut pas se faire d’illusion sur une OPEP/GAZ. A la différence du pétrole, les canalisations représentent plus de 70% de la production commercialisée mondiale, ne pouvant donc pas répondre à la loi de l’offre et de la demande et être coté sur le marché boursier. Pour cela il faudrait que les GNL avec l’extension du transport par méthaniers soient prépondérants... Le marché spot bien qu’en progression est encore faible. L’Algérie a toujours milité pour un prix juste déterminé par les pays producteurs et consommateurs du fait que c’est un investissement hautement capitalistique, couteux et à rentabilité à moyen terme. Le dernier conseil des ministres a donné les chiffres des réserves de gaz de l’Algérie à moins de 2700 milliards de mètres cubes gazeux et non pas 4500 comme cela a été souvent rapporté par certains soi-disant experts selon des données de BP de 1999 soit moins de 2% des réserves mondiales. La marge de manœuvre de l’Algérie est donc étroite face aux nouveaux concurrents. Ce qui se répercute sur les recettes de Sonatrach dont le gaz naturel (GNL et GN) représentent environ 40% de ses recettes. Aussi, ce sera une rencontre parmi tant d’autres et aucune décision opérationnelle influant sur le marché ne sera prise du fait que le prix de cession du gaz suit la tendance du cours du pétrole. En plus la croissance de l’économie mondiale surtout de la Chine est fragile et qu'il existe un divorce entre l’offre et la demande et chaque producteur ne veut pas perdre des parts de marché. Dans la pratique des affaires n’existent pas de sentiments. Le prix du gaz sera pour longtemps bas du fait que selon tant le FMI que l’AIE , il ne faut pas s’attendre à une hausse substantielle des cours pendant encore longtemps, bien au-delà de 2020..

2.- A terme, tout dépendra des mutations énergétiques mondiales, de l’attitude de la Russie, de l’Iran et du Qatar qui représentent plus de 50% des réserves mondiales. N’oublions pas également la découverte d'importantes découvertes en méditerranéen orientale expliquant en partie les tensions au niveau de la région et l’entrée du Mozambique qui sera le troisième réservoir africain à compter de fin 2016, sans compter le pétrole/gaz de schiste américain dont les coûts de production ont été abaissés de plus de 40%. Il y lieu de savoir qu’existe une mutation énergétique mondiale, une économie d’énergie programmée de 30% grâce à l’efficacité énergétique et l’introduction des énergies renouvelables dont l’investissement a été selon l’AIE de 230 milliards de dollars en 2014 et sera de 400 milliards horizon 2030. Le monde s’oriente vers un MIX énergétique... Aussi, se pose l’avenir de la rentabilité pour les gazoducs algériens avec de nouvelles découvertes de par le monde et l’arrivée du gaz de schiste et GNL qui enregistrent des avancées sur le marché traditionnel de l’Algérie. En effet, il suffit d’analyser la balance commerciale entre l’Algérie et les USA dont le montant est passé de plus de 10 milliards de dollars entre 2009/2010 à 5 milliards de dollars en 2014, les USA ayant réduit substantiellement leur importation de pétrole et de gaz d’Algérie. Le congrès américain vient d’autoriser les USA à exporter vers l’Europe à compter de 2017. Avec les russes dont le géant Gazprom, l’Iran qui va rentrer en force dès janvier 2016, et le Qatar qui représentent plus de 50% des réserves mondiales avec des coûts bas, la concurrence pour l’Algérie est vivace. Car pour exporter vers l’Asie il faudrait que les méthaniers contournent toute la corniche de l’Afrique avec des coûts exorbitants rendant le prix de cession non concurrentiel, d’autant plus que la Russie et le Qatar ont investi dans des unités de GNL de très grandes capacités ce qui réduit les coûts. L’Algérie, avec la baisse des cours n’a plus les moyens d’investissement du passé. Aussi le marché naturel de l’Algérie est l’Europe mais tenant compte de la concurrence surtout de Gazprom dont la part de marché malgré la crise ukrainienne approche 30% et ils ont décidé de s’aligner sur le marché spot pour une partie de leurs exportations. Cela explique les pressions européennes demandant à l’Algérie de baisser ses prix, surtout avec l’expiration prochaine des contrats à moyen et long terme. Pour l’Algérie, la part de marché en Europe est en régression étant passé de 12/13% entre 2009/2010 à 8% en 2014.

3.-Pour l’Algérie, les réserves de pétrole et de gaz traditionnels tenant compte de la forte consommation intérieure et de l’extrapolation des exportations s’épuiseront en termes de rentabilité, sans découvertes exceptionnelles, horizon 2030. Il s ‘agit d’utiliser les réserves actuelles d’environ 150 milliards de dollars avec précaution car déterminant l’investissement futur qui devra être axé sur les secteurs productifs, supposant de libérer toutes les initiatives créatrices, la confiance internationale et la valeur du dinar qui, en cas d’épuisement se coterait à plus de 200 dinars un dollar au cours officiel. C’est que selon les dernières données officielles parues en ce mois de fin novembre 2015, la tendance est inquiétante.. La balance commerciale selon les statistiques douanières sur les neuf premiers mois de l’année 2015, a enregistré un déficit de 10,33 milliards de dollars, contre un excédent de près de 4,09 milliards de dollars à la même période 2014. De janvier à septembre derniers, les exportations se sont établies à 28,86 milliards de dollars contre 48,29 milliards de dollars à la même période de 2014, soit une chute de 40,24%où les hydrocarbures ont été de 27,29 milliards de dollars contre 46,58 milliards de dollars. Quant aux exportations hors hydrocarbures, elles se chiffrent à 1,57 milliard de dollar (-8,29%) étant constitués notamment du groupe semi-produits avec près de 1,28 milliard’ dérivées d’hydrocarbures et de déchets ferreux et semi ferreux soit 81,5%, montrant que le secteur public et privé inséré dans la concurrence internationale est marginal. Aussi le grand défi de l’Algérie est de ne de plus se focaliser sur les hydrocarbures, qui resteront encore longtemps une source de financement, et une garantie de la cohésion sociale, ne soyons pas utopiques, mais de préparer la transition vers une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales.

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