L’électricité et la gaz sont des éléments fondamentaux tant au développement économique que pour les citoyens et donc un segment engageant la sécurité nationale et se pose cette question stratégique, quel modèle de consommation énergétique pour l’Algérie horizon 2025/2030. Le PDG de la Sonelgaz, a procédé en ce début d’octobre 2019 à un mouvement dans le top management de certaines sociétés du Groupe Sonelgaz afin d’opérer des réformes efficaces dans l’organisation et dans le fonctionnement capables de prévenir et de corriger l’ensemble des externalités négatives pouvant influencer les métiers du Groupe, notamment dans les domaines liés à l’engineering et aux travaux, vu l’ampleur des projets structurants en cours de réalisation. Cependant, pour une appréciation objective, il faut replacer la situation de Sonelgaz au sein de la situation globale financière du pays, Sonelgaz étant déficitaire devant avoir la garantie de l’Etat,
1.-Au 01 janvier 2018, Sonelgaz compte 9.184.962 clients électricité et 5.267.104 clients gaz. Selon le bilan présenté par son P-DG, Sonlegaz assure une couverture en électricité avec un taux d’électrification de plus de 98% alimentant près de 10 millions de clients contre 700188 clients en 1969. En gaz, le taux de pénétration est évalué “à plus de 62%, alimentant en gaz naturel plus de 5,6 millions de clients contre 168 000 en 1969, le parc de production de l’électricité ayant été multiplié par 33, passant de 626 MW en 1969 à près de 21 000 MW en 2018. Pour les réseaux transport, celui de l’électricité est estimé à 360 000 km alors que celui du gaz dépasse les 122 000 km (2 200 km en 1969). La longueur globale du réseau de transport de l’électricité à réaliser sur la période 2018-2028 est de l’ordre de 29 682 km. A l’horizon 2028, la longueur totale du réseau de transport d'électricité devrait atteindre les 52 207 km, dont 21 647 km en 220 kV et 9 827 km en 400 kV, pour une puissance de 107 660 MVA. Pour le transport de gaz à l’horizon 2028, le GRTG prévoit un montant d’investissement de 353 Mds DA pour la réalisation de 9 000 km de nouvelles canalisations qui permettront le transport d’un volume supplémentaire de 19 Gm3 de gaz Ces nouvelles canalisations permettront le raccordement de 441 distributions publiques et ramener le taux de desserte des communes en gaz à l’échelle nationale, de 89% en 2018 à 96% à fin 2019. Le plan de développement des réseaux et infrastructures de la Société Algérienne de Distribution de l’Electricité et du Gaz, sur la période 2018-2028, prévoit de développer un réseau Electricité de 106 563 km de lignes, 51 694 postes et 1 365 034 branchements, et un réseau Gaz de 54 509 km, avec 2 322 184 branchements. C’est pour répondre aux besoins tant des ménages que du secteur économique croissant, qu’une nouvelle organisation a été adoptée au sein de la société publique Sonelgaz. Aujourd'hui, le Groupe Sonelgaz est composé de 16 sociétés directement pilotées par la Holding, de 18 sociétés en participation avec des entités du Groupe et de 10 sociétés en participation avec des tiers. Ses filiales métiers de base assurent la production, le transport et la distribution de l'électricité, ainsi que le transport et la distribution du gaz par canalisations. Ses filiales travaux sont en charge de la réalisation des infrastructures électriques et gazières du pays. Ses filiales de prestations de service activent principalement dans les domaines de la fabrication et de la maintenance d'équipements énergétiques, la distribution de matériel électrique et gazier, le transport et la manutention exceptionnels. Les activités opérationnelles étant dévolues à ses sociétés, la holding Sonelgaz assure le pilotage du Groupe, élaborant et mettant en œuvre la stratégie de développement du Groupe dans son ensemble, ainsi que la politique financière et Ressources Humaines. La nouvelle organisation répondrait ainsi « à la nécessité d’une plus grande performance et efficience du management en matière de conduite des projets, de génération de revenus et de valeur ajoutée avec un minimum d’investissement». Selon l’APS, en date du 12 février 2017, cette reconfiguration a permis de ramener le nombre d’opérateurs activant dans le métier de production d’électricité à six (6) sociétés en comptant SPE (société de production d’électricité), SKTM (Shariket Kahraba oua Takat Moutadjadida), SKH (Sharikat kahraba Hadjret Ennous), SPP1 (Hybride gaz-solaire de Hassi R’Mel) et Karama (Production combinée d’électricité et de dessalement d’eau de mer d’Arzew). En matière de distribution de l’électricité et de gaz, l’Assemblée générale a approuvé l’absorption des sociétés de distribution de l’électricité et du gaz de l’Est (SDE) et de l’Ouest (SDO) par la Société de distribution de l’électricité et du gaz du Centre (SDC) à laquelle seront cédées les actions détenues par Sonelgaz dans la Société de distribution d’Alger (SDA).
2.-Cette restructuration avec la conjoncture actuelle marquée par une réduction drastique des revenus de l’Etat exige de trouver des réponses pérennes à la question de la disponibilité financière, s’appuyant sur six axes :
Premièrement, la nécessité de revoir l’organisation du groupe afin de recentrer sa mission, réaffirmer les responsabilités, consolider et renforcer l’encadrement.Deuxièmement, de choisir les actions à même de générer des plus-values avec le minimum d’investissements. Troisièmement, d’amorcer un exercice d’évaluation systématique, continue et responsable» des actions du groupe. Quatrièmement, une nouvelle restructuration étant de défaire des filialisations coûteuses et de regrouper les activités afin de bénéficier d’économies d’échelle.
Cinquièmement, la nécessité d’ une nouvelle réforme de la loi sur l’électricité et le gaz datant de 2002 afin de permettre de réévaluer le rôle du régulateur, à savoir la CREG, et qui ne s’est pas, pour l’heure, totalement appropriée ses missions, notamment en ce qui concerne le volet lié à la gestion des appels d’offres pour la réalisation de centrales électriques. Sixièmement, tout cela renvoie à une nouvelle politique des subventions ciblées et d’une manière générale à une nouvelle politique énergétique, Sonelgaz n’étant qu’une entreprise d’exécution. En effet, au vu des derniers rapports, la situation financière négative de Sonelgaz est devenue intenable. Le groupe Sonelgaz voit ses capacités de financement affaiblies par des dettes qui se chiffrent à plusieurs milliards de dinars et des créances détenues auprès de ses clients.
Quelles sont les raisons de cette situation ? Je recense quatre raisons. Premièrement, 98/99% des entrant proviennent du gaz naturel, les énergies renouvelables étant presque nulle et une prévision de 25.000 MW/an 2030 afin d’éviter les coupures sera t- elle réalisable ? La faible industrialisation fait que la consommation des ménages contrairement aux pays développés surpasse celle de l’économie productive. Pour rappel, les investissements du groupe avaient atteint 311,5 milliards de DA en 2017 contre 26,96 milliards de DA en 2000 et le groupe Sonelgaz prévoit d’investir un montant de plus de 2.400 milliards de DA à l’horizon 2028, soit 300 à 400 milliards de dinars/an à travers un plan de décaissement. Deuxièmement, la tarification énergétique qui dépend de la politique du gouvernement et non de Sonelgaz ne couvre pas le coût de revient de la production, obligeant Sonelgaz à contracter des crédits de long terme à des taux bonifiés assortis de différés de paiement pour la réalisation de ses investissements et afin de répondre à la demande grandissante. Le système tarifaire actuel reste progressif selon la tranche de consommation, le prix de revient du kilowattheure (kWh) produit par Sonelgaz étant de 12 DA, mais, les prix au consommateur final sont beaucoup plus bas (4 DA le kilowattheure en moyenne). Selon le Ministère, les tarifs ne changeront pas pour la tranche de consommation (250 à 500 kWh), se situant autour de 1,77 DA le kWh contre 9,06 DA le kWh au Maroc et 3,39 DA le kWh en Tunisie. La tranche la plus élevée de consommation concerne les gros consommateurs. Cette catégorie d’abonnés se fait facturer le kWh à 4 DA, contre 15,98 DA au Maroc et 14 DA en Tunisie. Cela a un impact sur le compte d’exploitation de Sonelgaz, le déficit structurel fluctuant selon les déclarations officielles de 79 milliards de dinars 2013, à 98 en 2018. Aussi, même si les rapports de Sonelgaz ne le disent pas ouvertement, ils suggèrent, d’une façon à peine voilée, une augmentation des tarifs ou alors le gouvernement doit mettre la main à la poche. L’augmentation souhaitable des tarifs selon le rapport Sonelgaz devraient être revalorisés de 11% par an pour pouvoir financer les investissements de Sonelgaz induits par l’augmentation de la capacité de production.
Troisièmement, avec en 2018, un chiffre d'affaires d’environ 390 milliards DA, Sonelgaz est tenue d’assurer la continuité du service public et la couverture de la demande, devant consentir d’importants investissements et la mobilisation des financements risque d’être un exercice on ne peu plus compliqué dans un contexte de contraction des ressources. L'Etat a mis à la disposition de Sonelgaz un crédit à long terme de 380 Mds Da qui devrait permettre de financer le programme jusqu'en 2020/2021. La dette du groupe SONALEGAZ contractée auprès des banques s’élève à 2 400 milliards de dinars, soit 2,142 milliards de dollars La Sonelgaz a déjà bénéficié d’un crédit long terme auprès de la Banque nationale d’Algérie (BNA), de 1600 milliards de dinars, dont 1 300 milliards de dinars comme cumul, consommés dans différentes réalisations et obtenu un financement de 380 milliards de dinars pour le parachèvement des programmes tracés d’ici 2020. Cela est lié à l’expansion de la consommation comme le note le rapport du CREG , pour qui les besoins en gaz de Sonelgaz pour la seule génération électrique sont passés de 12 milliards de mètres cubes en 2000 à 27 milliards en 2014, dépasseront les 60 milliards de mètres horizon 2030 et 100 milliards horizon 2040. Quatrièmement, le groupe peine à recouvrer ses créances avec en plus des branchements anarchiques. Les créances du groupe Sonelgaz auprès de ses clients s'élèvent à près de 61 milliards DA fin 2018 et la quantité d’énergie électrique fraudée en 2018 est estimée à 2.430,5 MWh, engendrant un préjudice financier estimé à 11,182 milliards de dinars. Cela est du en majorité aux clients particuliers avec un taux de près de 51% du montant global, les APC et administrations publiques avec 34% avec un taux de près de 50% du montant global. Parmi les plus importantes d’entre elles le précompte TVA (taxe sur la valeur ajoutée) et le préfinancement des programmes publics. A cet effet, le groupe Sonelgaz compte solliciter les pouvoirs publics pour le règlement définitif du dossier d’assainissement financier et pour la mise en œuvre effective du statut fiscal spécifique à ses sociétés. Le dossier des créances impayées ont constitué des facteurs aggravants qui ont maintenu la situation financière du groupe dans un déficit structurel. Pour certains responsables des sociétés de distribution, il est impossible de couper l’électricité à certaines institutions, notamment les écoles ou les hôpitaux
3.-Quelles actions à mener avec la déclaration de l’ex ministre de l’Energie le 13 décembre 2018 pour qui au rythme actuel de consommation domestique de gaz naturel, le risque est de ne pouvoir honorer les engagements internationaux horizon 2030 avec la forte consommation intérieure, représentant horizon 2030 l’équivaillent des exportations actuelles qui peinent à atteindre 55 milliards de mètres cubes gazeux. L’Algérie produit en 2018, environ 130 milliards de M3 de gaz dont la moitié est consommée en interne et 30% devant rester dans les puits pour qu’il puissent demeurer actifs , le gaz Butane, représentant 40% de la consommation, ne pouvant pas être abandonné du fait de l’impossibilité couvrir l’ensemble du pays avec le réseau de gaz naturel, pose la problématique de la sécurité nationale. Ce n’est qu’à travers un changement notable de la politique énergétique, que l’Algérie arrivera à construire un environnement adéquat pour produire 30 à 40% de son énergie à partir de sources renouvelables à l’horizon 2030. Pourtant, avec un ensoleillement annuel moyen évalué à 2 000 heures et un territoire composé à 86% de désert saharien, la puissance solaire de l’Algérie est estimée à environ 1700 KWh/m²/an dans le nord du pays et 2 650 KWh/m²/an dans le sud, ce qui correspond à une capacité électrique huit fois supérieure aux réserves de gaz naturel du pays. Selon le ministère de l’Energie, l’objectif est de disposer à l’horizon 2030, d’une puissance installée totale de 22 000 MW, dont 13 575 MW de solaire photovoltaïque et 2 000 MW de solaire thermique. Cependant, il existe des contraintes de financement, de rentabilité, bien que le coût mondial ait baissé de plus de moitié. Tout dépend de la future stratégie énergétique mondiale des firmes qui doivent produire à grande échelle pour réduire encore les coûts, auxquels s’ajoutent les pesanteurs politiques en Algérie où Sonelgaz ne fixe pas le prix de l’électricité n’ayant pas de stratégie propre sur les grands choix, ne pouvant décider seule de ses investissements et ne disposant pas de marge de gestion.
C’est que toute la décision en matière de politique énergétique, relève du Conseil national de l’énergie (CNE), seul habilité à définir les choix stratégiques. Dans ce cadre, je préconise pour une transparence de la gestion de Sonelgaz mais également d’autres entreprises dont Sonatrach, d’appliquer le tarif du marché. En contrepartie, au niveau gouvernemental, comme je l’ai suggéré dans une audit réalisé sous ma direction sur le prix des carburants au sein d’un modèle concurrentiel, il est impératif d’installer une chambre nationale de compensation chargée d’un système de péréquation intra secteurs , intra socioprofessionnelle et intra- régional afin de soutenir les segments à valeur ajoutée et protéger le pouvoir d’achat des citoyens, toute subvention devant être budgétisée au niveau du parlement et le montant structuré inscrit clairement dans la loi de finances annuelle.