Par Djamel Bouatta
À moins de 24 heures du premier tour de l’élection présidentiellefrançaise, les sondeurs de France, pourtant très bavards, ne savent toujours pasoù donner de la tête. Même l’attaque des Champs Elysées, perpétrée par un voyouapparemment mal dans sa tête mais revendiqué par Daesh, n’a pas l’aird’avoir fait bouger les lignes.
Le scrutin de demain se déroule sous hautesurveillance et malin qui pronostiquera son issue. Les électeurs français sont,en effet, placés devant un choix totalement inédit : à défaut de favoris,ils auront à choisir entre quatre prétendants au second tour del’élection. Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon etFrançois Fillon sont au coude à coude, tandis que le candidat du PS BenoîtHamon est, lui, fortement distancé.
La part d’électeurs qui se disaient jusqu’àsamedi indécis ou pas encore certains d’aller voter autorisent à envisagertoutes les configurations de second tour. Macron-Le Pen-Mélenchon-Fillon,le jeu est ouvert.
À l’origine de cette situation, il y a bien sûr l’état dela gauche, ressortie plus fracturée que jamais du quinquennat de FrançoisHollande. Il y a ensuite le discrédit jeté par les affaires sur le candidat dela droite qui avait était jusque-là le grand favori, avant que ne soit dévoilée sa compilation de casseroles. Marine Le Pen, fidèle à ses logorrhées, a marquédes points malgré ses déboires dans le parlement européen où elle s’en est miseplein les poches alors qu’elle défend mordicus son anti-européanisme. Jean-Luc Mélenchon, qui lui aussi se veut un candidat de l’antisystème, aspectaculairement profité de ce contexte délétère de la vie politique enFrance. L’incroyable parcours ‘’solitaire’’ d’Emmanuel Macron, dont l’ambitionest de bousculer le clivage traditionnel entre droite et gauche, traduit aussiune forme de fatigue à l’égard de cette vie politique qui voit les deux campsse succéder au pouvoir depuis 40 ans sans apporter de réponses satisfaisantesaux principales préoccupations des Français.
Pour faire court, la campagne électorale bien que marquée par des scandalesliés aux affaires, ce qui en dit long sur les mœurs politiquesfrançaises, aura tout de même fait montre des enjeux qui agitent lasociété française.
Le succès de la ligne protectionniste et antieuropéenne, défendue aussibien par Marine Le Pen que par Jean-Luc Mélenchon, mais également par plusieurspetits candidats, témoigne des interrogations profondes des citoyens françaissur la place de leur pays dans la mondialisation et des doutes envers uneEurope qui pousse à toujours vers plus de libéralisation, de chômage et baissedu pouvoir d’achat, mais aussi d’abandon des services publics qui ont fait lasingularité de la France, sa marque de fabrique.
En outre, hormis les fidèles du Front national nourris par des slogansde haine contre l’étranger, le musulman particulièrement, les français ontmontré plutôt une aspiration profonde au renouvellement des pratiquespolitiques et démocratiques scellées et sans cesse reproduites par leursélites.
Dans les scénarios de dimanche, on retient que la candidate du Frontnational, la fille Le Pen élevée dans le sentiment anti-algérien et dont les ex‘’pieds noirs » de l’OAS constituent encore la matrice de sa formation,peut compter sur au mieux un quart de l’électorat. Son socle électoral restepar ailleurs le plus solide : parmi ses électeurs potentiels, 86 % se déclarentsûrs de leur choix. Une qualification du Front national au second tour neserait certes plus une surprise après celle de Jean-Marie Le Pen en 2002, maispourrait constituer pour les français un second électrochoc. Les sondagesla donnent perdante, quelque soit son rival et malgré le soutien duprésident américain Donald Trump qui partage avec elle l’islamophobie, lachasse à l’émigré et la fermeture des frontières. Jean-Luc Mélenchon etFrançois Fillon très proches dans les derniers sondages dépendent eux aussi duniveau de participation.
Une participation élevée pourrait être favorable aucandidat de la France insoumise, avec un large mouvement vers les urnes d’électeurshabituellement plus abstentionnistes, comme les jeunes, qui constituent la unebase de son électorat. Jean-Luc Mélenchon est en tête des intentions de votedes 18-24 ans. Il aura toujours la satisfaction de clouer au poteau FrançoisFillon, Le candidat de la droite qui a consolidé sa base électorale et dont85 % des électeurs potentiels se déclarent sûrs de leur choix. Benoît Hamon, lecandidat socialiste est crédité de 8 % des intentions de vote, ne recueillantseulement que le quart des suffrages des sympathisants socialistes. Demain, ilpourrait pâtir encore davantage de la tentation du vote utile chez lesélecteurs de gauche pour barrer la route à Marine Le Pen.
Quoiqu’il en soit,s’en est fini de la superbe du Parti socialiste, il doit faire sonaggiornamento s’il veut renaître de ses cendres. Pour nous algériens, c’esttant mieux car on a soupé de ce parti qui n’a toujours pas digéré notreindépendance. Les autorités algériennes misent par contre sur EmmanuelMacron à qui Alger a déroulé le tapis rouge lors de sa visite dans notre pays.C’est le plus jeune candidat, même pas quadragénaire, et il l’a suffisammentdit lui-même : ‘’aucun contentieux’’ avec notre pays avec lequel il compte‘’remettre les compteurs à zéro’’, sans paternalisme ni arrières pensées dequelque nature que ce soit. Alors que l’actuel locataire de la Maison Blanche amarqué sa préférence pour Mme Le Pen, Macron lui a reçu un appel de l'ancienprésident des Etats-Unis, Barack Obama, ce qui lui fera gagner des votes de plus.Les soutiens ont plus les derniers jours sur le candidat du mouvement EnMarche. Après Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, c'estDominique de Villepin, ancien premier ministre de Jacques Chirac, qui s'estrallié à sa cause...
Tout porte à penser chez ses proches que c’est plié.Emmanuel Macron promet de réformer la France pour en faire un fer de lance enEurope et un acteur décisif de la mondialisation. Il a le soutien del’establishment financier. Est-ce suffisant ? Les français le dirontdemain dimanche.