L'ancien président Nicolas Sarkozy a été placémercredi soir sous contrôle judiciaire à l'issue d'une garde à vue de 48 heuresdans les locaux de la police judiciaire à Nanterre (banlieue de Paris), ce quireprésente une première dans l'histoire de la 5e République.
Mêmesi le contrôle judiciaire ne signifie pas culpabilité, les juges chargés de l'enquête ont retenu comme chefsd'inculpation "corruption passive, financementillégal de campagne électorale et recel de détournements de fonds publicslibyens".
C'étaitle journal électronique Médiapart qui avait révélé en 2012, sur la base d'un documentlibyen, le financement de la campagne présidentielle de 2007de Nicolas Sarkozy par le colonel Maammar el Gueddafi donnant ainsi à l'ouverture d'une information judiciaire enavril 2013, rappelle-t-on.
Aprèsplusieurs révélations et un ouvrage de deux journalistes, Fabrice Arfi et KarlLaske, qui lève tout doute sur le financement par el Gueddafi, assassiné le 20octobre 2011 à Syrte dans l'est libyen, c’est pour lapremièrefois que l'ancien président français a été entendu dans cette affaire.
L'enquêteest menée par plusieurs juges d'instruction du pôle financier de Paris,dont le juge Serge Touraine qui a déjà renvoyé Sarkozy devant le tribunal pourl'affaire Bygmalion, une autre affaire politico-financière française.
Selondes propos reproduits jeudi par le site du journal Le Figaro, Nicolas Sarkozy ainvoqué devant les juges l'absence de "preuve matérielle", affirmantvivre "l'enfer de la calomnie".
"Pendantles 24 heures de ma garde à vue, j'ai essayé (...) de montrer que les indicesgraves et concordants qui sont la condition de la mise en examen n'existaientpas compte tenu de la fragilité du document ayant faitl'objetd'une enquête judiciaire et compte tenu des caractéristiques hautementsuspectes et du passé lourdement chargé de (l'intermédiaire franco-libanais) M.Takieddine", a-t-il déclaré aux magistrats.
L'hommed'affaires franco-libanais Ziad Takieddine, qui avait servi d'intermédiaireentre le régime libyen et Nicolas Sarkozy pour le financement de sa campagneprésidentielle, a estimé mercredi sur les ondesdeRTL que "pour une fois, la justice est déterminée à aller jusqu'à la vérité".
"Ilfaut que la justice aille jusqu'au bout des choses pour rechercher la véritéautour de cettguerre et avant la guerre avec la Libye", a-t-il dit.
Lesinformations publiées par Médiapart avaient été révélées, sur la base dujournal personnel de l’ancien Premier ministre libyen, Choukri Ghanem, retrouvénoyé à Vienne, dans lequel ce dernier parle d’une somme de 1,5milliond’euros à Sarkozy et d’une autre envoyée par Saïf el-Islam, fils d'el Gueddafi,de 3 millions d’euros.
Lebeau-frère d'el Gueddafi, Abdellah Senoussi a également envoyé à Sarkozy2 millions d’euros.ZiadTakieddine et Alexandre Djouhri étaient chargésd'acheminer ces sommes pour les remettre à destination.
Unenote signée par le chef des services libyens, Moussa Koussa faisait état d’unaccord de principe pour verser 50 millions d’euros en soutien à la campagne deNicolas Sarkozy, mais sur cette somme promise, selon les auteursde l'ouvrage "Avec les compliments du Guide", (Fayard, 2017), 20 millionsauraient été donnés directement à Boris Boillon et à Claude Guéant enespèces, citant un ancien cadre libyen qui a témoigné devant la police.
ZiadTakieddine avait révélé, dans une vidéo publiée le 15 novembre 2017, qu’il a "personnellement" remis à Claude Guéant, l’ancien directeur du cabinetdu ministre de l’Intérieur, et à Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieuralors, plusieurs valises contenant de l’argent liquide, préparées par le régimelibyen, pour un montant total de 5 millions d’euros, précisant qu’à deuxreprises il les avait remises à Claude Guéant, dans son bureau, puis unetroisième fois, en janvier 2007, à Nicolas Sarkozy en personne, dansl’appartement privé du ministre de l’Intérieur.
Plusieursanalystes de l'actualité française ont estimé jeudi que la mise enexamen de l'ancien président français pourrait donner lieu à l'élargissement del'enquête à la campagne présidentielle de 2007, àl'issuede laquelle la droite a gagné la course présidentielle. Mais,jugent-ils,cette affaire "tombe mal pour la droite qui est en train d'accomplir sadifficile reconstruction".
D'autresévoquent même l'éventualité de l'ouverture du dossier de la guerreen Libye où la France, estime-t-on, aurait dépassé le mandat de l'Onu. Cequi a laissé certains quotidiens penser que cette affaire "dessert l'imagedu pays" et "tourne en ridicule notre image de donneurs deLeçons”(Avec agences)