Après trois jours de violentes émeutes, le gouvernement garde un silence aussi suspect que révélateur de son intention d'ôter à la révolte son caractère politique. Le ministre du Commerce est la seule personnalité à être montée au "front" réunissant autour de lui des opérateurs économiques impliqués dans la commercialisation de produits sous tension. Aujourd'hui,  le Premier ministre Ahmed Ouyahia réunit un Conseil interministériel consacré au même sujet. Le message est clair: dire au monde que la colère qui menace de tout emporter sur son chemin ne viserait pas le gouvernement, encore moins le pouvoir politique. C'est juste une révolte contre la flambée des prix des produits de première nécessité... Et même si'il ne s'agissait que de cela, on ne comprend pas la volonté d'Ahmed Ouyahia de se protéger. Son gouvernement est bien responsable de cette hausse des prix qui jette dans la rue des centaines de milliers de personnes affamées pendant que des barons de l'import-import, avec comme seuls diplômes des liens criminels avec la bureaucratie, version algérienne du makhzen, bâtissent des fortunes et saignent le pays par des transferts illcites de devises. Sous d'autres latitudes, des gouvernements sont tombés pour bien moins que ça.

En réalité, la colère qui s'est emparée des Algériens, exprimée certes par de jeunes manifestants, n'est pas une émeute pour le sucre et l'huile. Mais M. Ouyahia n'écoute que ses pulsions d'homme pressé de parvenir au plus sommet de l'Etat. Dans cette quête éperdue, il n'entend même pas les avertissements utiles à son ambition. Suffisant, arrogant, croyant détenir une expertise de lui seul accessible, il se lance dans des projets aventureux dont il ne calcule  jamais les effets par antcipation. Si gouverner c'est prévoir, comme cela est énoncé par un principe universel, Ahmed Ouyahia ne prévoit rien mais gouverne beaucoup depuis une quinzaine d'années. Plus autiste il sera, plus fort risquent d'être les cris de révolte.