L'armée participe au climat de terreur que fait régner le groupe islamiste Boko Haram dans le Nord et le Centre du Nigeria, dénonce un rapport publié jeudi par Amnesty International, démenti par un porte-parole des forces armées qui reconnaît toutefois que des soldats ont commis des abus "mineurs" des droits de l'Homme.
Dans le rapport de 88 pages intitulé "Le Nigeria pris dans une spirale de violence", l'organisation de défense des droits de l'homme basée à Londres fait état d'exécutions arbitraires et d'opérations punitives contre les civils menées par la force spéciale de l'armée nigériane (la JFT), suite à des attentats de Boko Haram.
"On ne peut pas protéger les gens en commettant des violations des droits de l'Homme et on ne peut pas instaurer un climat de sécurité en créant de l'insécurité", a déclaré Salil Shetty, secrétaire générale d'Amnesty International, au cours d'une conférence de presse dans la capitale fédérale du Nigeria, Abuja.
"Les actions brutales menées par les forces de sécurité nigérianes en réponse à la campagne de terreur de Boko Haram ne font qu'aggraver une situation déjà désespérée", a insisté l'organisation, dans un communiqué.
On estime que les attentats de Boko Haram et leur répression dans le Nord et le Centre du Nigeria ont fait plus de 2.800 morts depuis 2009.
La force spéciale de l'armée a été déployée dans plusieurs villes de cette zone dont Maiduguri, fief de Boko Haram, dans le Nord-Est du pays, pour lutter contres les extrémistes islamistes.
Amnesty International a recueilli plusieurs témoignages "faisant état d'exécutions sommaires d'habitants devant leur maison pendant des descentes ou après leur arrestation, battus à mort en détention ou dans la rue par les forces de sécurité à Maiduguri", selon son rapport.
L'armée nie et réclame des preuves
"Nous avons toujours nié de telles accusations et nous restons sur notre position", a réagi le lieutenant-colonel Sagir Musa, porte-parole de l'armée à Maiduguri, interrogé par l'AFP. "Que celui qui a les preuves concrètes de ces accusations les produise devant un tribunal", a-t-il dit.
"Des infractions et des abus mineurs des droits de l'Hommes ont été commis par nos soldats, sans qu'il n'y ait d'exactions", a-t-il estimé, assurant que "des mesures punitives" étaient "prises pour que ça ne se reproduise pas".
Selon M. Shetty d'Amnesty, les réactions des autorités nigérianes au rapport avant sa publication ont été "mitigées".
Alors que des membres de la sécurité nationale ont proposé de mener l'enquête sur certaines accusations mentionnées dans le rapport, d'autres "ont refusé en bloc d'enquêter sur les faits que nous avons évoqués", a déclaré M. Shetty.
Les attaques meurtrières menées par Boko Haram "pourraient constituer des crimes contre l'Humanité", juge Amnesty International qui demande au Nigeria de "prendre ses responsabilités face à ses propres échecs" dans sa lutte contre le groupe terroriste qui revendique la création d'un Etat islamique dans le Nord.
Dans un rapport publié au début du mois, une autre organisation internationale, Human Rights Watch (HRW), avait aussi estimé que des crimes contre l'Humanité avaient "pu être commis" à la fois par les forces nigérianes et par Boko Haram.
La population du Nigeria, qui est de 160 millions d'habitants, est divisée entre le Nord, majoritairement musulman, et le Sud, à dominante chrétienne. (AFP)