Il ne faut pas être utopique et être pragmatique. Pourquoi, la loi 13-01 du 20 février 2013 sur les hydrocarbures, adoptés par l’APN, qui a complété et modifié la loi 05-07 de 2005 n’a-t-elle pas eu les résultats escomptés ? Pour toute objectivité, il y a lieu de l'adapter à la conjoncture énergétique mondiale.
1.-Les principales modifications apportées par la loi du 20 février 2013 sont au nombre de douze. Premièrement, l’exercice exclusif par l’entreprise nationale Sonatrach de l’activité transport par canalisations des hydrocarbures et des produits pétroliers. Deuxièmement, l’exclusion des gisements actuellement en exploitation des nouvelles incitations fiscales. Troisièmement, l’élargissement du contrôle fiscal aux compagnies pétrolières étrangères opérant en Algérie avec une clarification du rôle des institutions de régulation, jusqu’ici seul le groupe Sonatrach étant considéré comme sujet fiscal, soumis aux obligations de contrôle de sociétés, prévu par le code des impôts algérien. Quatrièmement, la priorité à la satisfaction des besoins en hydrocarbures liquides et gazeux du marché national, notamment à travers un dispositif obligeant les contractants à céder au prix international une partie de leur production. Cinquièmement, la possibilité d’acquittement en nature de la redevance. Sixièmement, l’introduction de nouvelles dispositions spécifiques à la prise en charge de la recherche, de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Septièmement, le renforcement de l’implication de Sonatrach dans l’exercice des activités de recherche des hydrocarbures. Huitièmement, l’introduction d’une disposition obligeant toute personne à s’associer à Sonatrach pour l’exercice des activités de transformation des hydrocarbures et de raffinage. Neuvièmement, l’introduction d’une disposition obligeant toute personne souhaitant exercer les activités de raffinage de disposer des capacités de stockage propre. Dixièmement, la révision de la méthodologie de détermination du taux de la taxe sur le revenu pétrolier (TRP) qui est désormais basée sur la rentabilité du projet au lieu du chiffre d’affaires. Onzièmement, l’introduction de mesures fiscales incitatives pour encourager les activités relatives aux hydrocarbures non conventionnels, aux petits gisements, aux gisements situés dans les zones très faiblement explorées, notamment l’offshore, aux gisements à géologie complexe et/ou manquant d’infrastructures. Douzièmement, l’introduction d’un système d’écrémage des superprofits applicable aux bénéficiaires du taux réduit de l’Impôt complémentaire sur le résultat (ICR). Cette taxe remplacera la taxe sur les profits exceptionnels.
- le constat en ce mois de mars 2016 est que les derniers appels d’offres depuis la promulgation de cette loi ont eu des résultats très mitigés, ayant attiré que des compagnies marginales et comptant sur Sonatrach pour supporter la majorité des coûts, les grandes compagnies n’ayant pas soumissionné. Afin d’éviter tous malentendus, SONATRACH reste propriétaire de tous ses domaines miniers, et pour les nouvelles superficies non exploitées, c’est à l’institution Alnaft, dépendante du ministère de l’Energie, de les attribuer. C’est que l’on peut découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement surtout avec un prix international fluctuant entre 30/45 dollars. Les réserves se calculant par rapport au vecteur prix international, l’évolution des coûts et de la concurrence des énergies substituables, selon les revues internationales dans moins de 15 ans, en cas de non découvertes substantielles. Selon le conseil des ministres de 2015 les ré serves de pétrole traditionnel sont 10 milliards de barils et 2700 milliards de mètres cubes gazeux traditionnel et non pas 13 milliards de barils de pétrole et 4500 milliards de mètres cubes gazeux traditionnel, données de BP de 1999 non réactualisées. Car l’Algérie, selon la revue financière Gasoil, a pompé entre 1962 et 2010 plus de 20 milliards de barils de pétrole, soit plus que les réserves actuelles, mais récemment avec des coûts supérieurs à la moyenne des grands pays pétroliers.
3.- Pour le calcul des réserves du pétrole-gaz il y a lieu de tenir compte de la forte consommation intérieure posant la problématique des subventions certes nécessaires mais non ciblées, source d’injustice sociale et de gaspillage(1), l’Algérie étant classée troisième pays où le prix du carburant est le moins cher au monde, selon les organismes internationaux. Cela explique que l’Algérie est devenue importatrice de produits raffinés. En 2013, la facture des carburants a dépassé 3 milliards de dollars pour retomber à environ 2 milliards de dollars entre 2014/2015 Cela favorise la contrebande aux frontières. La différence du prix à la pompe avec les pays voisins fait que de grandes quantités de carburants traversent quotidiennement les frontières vers le Maroc et la Tunisie, sans compter les pays riverains du grand Sud. Pour l’électricité. Pour Sonelgaz, dont le prix est plafonné , elle accuse plus de 80 milliards de dinars de pertes selon son rapport officiel de 2015. Selon les extrapolations de l’organisme de régulation CREG, la consommation intérieure devrait passer à plus de 60/70 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2030 du fait du doublement des capacités électriques privilégiant les turbines à gaz et des centrales fonctionnant au gas-oil dans le Sud. A cela s’ajoute le volume exportable extrapolé tant à travers les canalisations que pour le GNL, 85 milliards de mètres cubes gazeux alors qu’elle peine actuellement à atteindre 55/60 milliards de mètres cubes gazeux, donc perdant des parts de marché selon les statistiques internationales malgré les déclarations se voulant rassurantes des responsables de l’énergie La part du marché naturel de l’Algérie pour le gaz traditionnel, le marché européen, est passé de 14% à 8% entre 2014/2015 et les européens . Avec l’expiration des contrats à terme, l’Europe exige qu’une fraction soit alignée sur le prix du marché libre Avec 2700 milliards de mètres cubes gazeux à partir de cette période, la durée de vie pour un prix de cession moyen, à coûts constants, dont la rentabilité pour l’Algérie est de 10 dollars le MBTU pour les canalisations et 13/14 dollars pour le GNL, serait moins de 15 ans. Face à ce constat, s’impose des amendements pour redynamiser le secteur. La taxation des superprofits au-delà de 30 dollars dans l’actuelle loi ne répond plus à la situation actuelle du marché où le cours fluctue entre 35/40 dollars tout en précisant que dans le droit international une loi n’est jamais rétroactive sauf si elle améliore la précédente. Dans ce cadre, l’annonce d’un assouplissement fiscal est nécessaire, car l’Algérie n’est pas seule sur le marché mondial face aux importantes mutations énergétiques qui s’annoncent, mais des concurrents qui veulent attirer les compagnies.
4.-Mais reste la contrainte des 49-51%. Si pour l’amont gazier et pétrolier pour les grands gisements la règle des 49/51% peut être applicable, pour les gisements marginaux, cette règle risque de n’attirer que peu d’investisseurs sérieux. Par ailleurs, il y a lieu de signaler que le taux de profit dans les canalisations est inférieur de 30% en moyenne par rapport aux grands gisements de l’amont. Sonatrach continuera donc à supporter les surcoûts au niveau des canalisations. Ne serait-il pas souhaitable d’avoir d’autres critères : balance devises excédentaire au profit de l’Algérie, l’apport technologique et managérial et un partage des risques ? La faiblesse des soumissions des grandes compagnies qui ont d’autres opportunités à travers le monde, l’expérience du retrait de la Chine au niveau de la raffinerie d’Adrar, Sonatrach supportant toute seule dorénavant les surcouts, doit être méditée. Egalement, il ne faut pas s’attendre à un flux d’investissement étranger avec ces amendements pour la prospection dans l’offshore et surtout le gaz non conventionnel qui requiert des techniques de pointe à travers le forage horizontal maîtrisé par quelques firmes, les recherches actuelles se concentrant sur les techniques anti-pollution. Selon le gouvernement, l’Algérie est en phase de prospection et non d‘exploitation, d’autres techniques devant voir le jour horizon 2020 économisant l’eau et évitant l’injection de produits chimiques ( Etude réalisée sous ma direction pour le gouvernement avec 27 experts février 2014 : pétrole t gaz de schiste, opportunités et risques 10 volumes). Cela concerne également l’investissement dans la pétrochimie dont la commercialisation est contrôlée par quelques firmes au niveau mondial (structure oligopolistique) et d’une manière générale à l’aval, dont les produits obéissent aux règles de l’organisation mondiale, cette règle juridique de la dominance de Sonatrach dans le capital social est inopérante. Sans risque de me tromper, l’investissement sera limité pour ne pas dire nul avec cette règle. Car le marché mondial de la pétrochimie et du raffinage est fluctuant et contrôlé par quelques firmes. Cette filière nécessite pour sa rentabilité de grandes capacités ( investir pour le marché intérieur est une chimère), sans compter que les pays du Golfe, les USA- la Russie, ont déjà amorti les installations, l’Algérie partant avec un handicap des coûts d’amortissement élevés et un marché forcément contrôlé . A moins, comme pour les entreprises publiques qui ont nécessité plus de 70 milliards de dollars d’assainissement entre 1971-2014, plus de 70% étant revenues à la case de départ, que Sonatrach subventionne tous ces surcoûts, les compagnies étrangères dans ce cas bénéficiant d’une rente sans prendre de risques. Sonatrach risque de détourner une fraction de ses ressources en autofinancement au détriment des autres secteurs de l’activité nationale avec un des surcoûts croissants, un résultat brut d’exploitation en décadence et être éliminé à terme progressivement de la compétition internationale Qu’en est-il du programme des énergies renouvelables abordé également en conseil des ministres du 22 février 2016 qui en a fait une priorité nationale. Mais comment mobiliser 100 milliards de dollars entre 2016/2030 pour produire 40% de la consommation d’électricité horizon 2030, en encourageant les PMI/PME possédant un savoir faire toujours avec cette règle des 49/51% ? ? C’est une erreur stratégique d’insérer cette règle dans une LOI, un simple conseil des Ministres peut décider en fonction d es intérêts supérieurs du pays ce qui est stratégique et ce qui ne l’est pas. Les USA lorsqu’ils ont décidé que certaines monarchies du Golfe n‘investissent pas dans certains Ports, n’ont pas pondu de lois, mais ont invoqué la sécurité des Etats Unis d’Amérique. D’ailleurs les pays qui attirent le plus d’investissement directs étrangers ( idE) n’ont pas de codes d’investissement, vision bureaucratique.
En résumé, malgré ses potentialités, et elles sont énormes, force est de constater que depuis l’indépendance politique à ce jour, l’économie algérienne est dépendante de la rente pour plus de 98% de ses recettes en devises, les exportations hors hydrocarbures étant constituées de plus de 60% de dérivées d’hydrocarbures, et importe 70/75% de ses besoins. L’opérationnalité des amendements de la loi sur les hydrocarbures renvoie à l’éclaircissement de toute la politique économique et sociale face à la Remondialisation (futur modèle de consommation tenant compte de la protection de l’environnement). Sans visibilité et cohérence de la réforme globale, comme facteur d’adaptation à ces mutations, les impacts seront forcément limités d’autant plus qu’existe une concurrence internationale féroce.. L’objectif stratégique n’est-il pas pour l’Algérie d’opérer la transition rapide d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, supposant également une nouvelle transition énergétique en utilisant au mieux cette ressource éphémère ? Cela implique de profondes réformes politiques et économiques solidaires, la valorisation de l’entreprise et son support, la ressource humaine, richesse bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures.
Professeur des Universités expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL
(1)-Professeur Dr Abderrahmane Mebtoul, expert international en management stratégique, directeur d’études ministère énergie/Sonatrach (1974/1979- 1990/1995-2000/2006) auteur de nombreuses communications et contributions internationales sur le secteur énergétique dont la contribution « Sonatrach face aux mutations gazières mondiales « Magazine International Paris France février 2016 « gaz d’aujourd’hui » où sont intervenus également de nombreux experts et PDG de groupes internationaux. Voir également interview à paraître (fin mars 2016) dans le magazine international LE POINT.FR-AFRIQUE ( Paris France «)bilan et perspectives de l’économie algérienne 2016/2020 face à la baisse du cours des hydrocarbures et aux tensions sécuritaires qui ont un coût »