Mustapha est mort. Il venait d’obtenir la nationalité française, il y a quelques semaines. Avec son accent kabyle et en roulant les "r", c’était lui qui corrigeait notre français, raconte Zineb El Rhazoui, journaliste et membre de la rédaction de"Charlie Hebdo" dans le journal Le Monde.
Elle témoigne que "les lundis, jours de bouclage, il ne quittait son bureau que pour aller se baisser sur l’épaule d’un journaliste et lui demander à voix basse : "Qu’est-ce que tu as voulu dire exactement ?".
"Un souci de langue ? Mustapha connaissait toujours la règle de grammaire ou la nuance d’un synonyme. Ce mercredi-là, Mustapha était venu corriger le prochain hors-série. Il y a laissé la vie", conclut son témoignage.
De son coté, le quotidien Le Parisien rapporte, vendredi, que Mustapha Ourad "était la pudeur et la discrétion incarnées, selon ses collègues du magazine "Viva", spécialisé dans la santé et la vie quotidienne. Mustapha Ourrad, 60 ans, était correcteur de presse. Un métier devenu rare mais si précieux".
Et "mercredi, il assistait à la conférence de rédaction de "Charlie Hebdo" où il exerçait également ses talents pour traquer fautes d’orthographe et contresens, sans oublier le bon placement des virgules.
A "Viva", "il était correcteur depuis 1997", raconte Claire Marabelle, la secrétaire générale de la rédaction, qui se souvient d’un "homme de vaste culture, grand lecteur et surtout un amateur de poésie".
Un héros très discret
"Il lisait énormément et il était aussi la bonté même, il avait une vraie empathie pour les autres. C’est surtout cela qui le caractérisait, ce ne sont pas des mots vains. Il était très discret sur sa vie et ne cherchait jamais à se mettre en avant", témoigne encore cette responsable du magazine.
Mustapha, le Kabyle, avait fui l’Algérie au moment de période du terrorisme pour rejoindre la France comme réfugié. En 1992, il avait fait l’école des correcteurs où il avait noué de solides amitiés.
Longtemps, il a vécu à Montreuil (Seine-Saint- Denis) avant de partir récemment s’installer dans le Val-de-Marne avec sa compagne et ses deux enfants. Sur le site Internet de "Viva", un mot d’adieu à Mustapha, sobre et discret comme il l’était dans la vie, évoque "la barbarie immonde dont il a été la victime".