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Louisa Ait Hamadouche: « L’Arabie saoudite et le Qatar partagent la même peur »

05-06-2017 16:56  N. S

Dans cet entretien express, Louisa Ait Hamadouche, professeur d’universitéà Alger et spécialiste des relations internationales analyse pour Algérie1 labrusque rupture des relations diplomatiques entre certains pays du Golf et leQatar.  

L'Arabie saoudite et d'autres pays du Golf ont annoncé la rupture de leursrelations diplomatiques avec le voisin du Qatar. Comment expliquez-vous laradicalité de cette mesure qui a surpris tous les observateurs ?

Les tensions entre l'Arabie saoudite et ses plus proches alliés d'une partet le Qatar d'autre part ne sont pas nouvelles. Sur certains dossiers comme lesrévoltes arabes, les deux Etats étaient en concurrence. Les ambassadeursrespectifs ont déjà été rappelés, pour exprimer officiellement un désaccordprofond. Cela étant, il s’agit d’une crise plus grave puisque toutes les voixde communication (terrestre, aériennes, maritimes et médiatiques) sont rompueset, plus grave encore, les ressortissants respectifs sont appelés à quitterleur pays de leur résidence. Ce type de mesure n’est pas seulement dommageableà court terme, mais peut avoir des conséquences à plus long termes si lesconditions d’expulsion ne sont pas satisfaisantes.

La radicalité de ces mesures traduit le jusqu’au boutisme de la positionsaoudienne qui manifestement tente de rappeler qui est le leader dans larégion. Notons que le Koweït et Oman n’ont pas suivi les Emirats et le Bahreïn,ce qui pour le moment crée une scission du CCG plutôt que l’isolement duQatar.         

Est-ce que l’Arabie Saoudite  est fondée à  accuser  la Qatar de financer le terrorisme , d'abriter les chefs terroristes sur sonterritoire, sachant qu'elle même est considérée comme un pays qui alimenteidéologiquement le terrorisme, le salafisme?

Le problème avec les accusations relatives au soutien au« terrorisme » c’est qu’il n’existe pas d’accord préalable sur« qui est terroriste ». En fait, les deux Etats s’accusentmutuellement de soutenir leurs adversaires respectifs. L’Arabie saoudite accusele Qatar de soutenir les frères musulmans qu’elle qualifie de terroristesuniquement parce dans certaines régions, les FM combattent des régimes alliésaux Saoudiens ou des forces financées par le royaume wahhabite. De son côté, leQatar abrite les leaders islamistes radicaux et les soutient dans plusieurspays comme la Libye et la Syrie, dans le but garantir l’immunité de la famillerégnante qatarie. C’est une stratégie qui consiste à coopter son ennemipotentiel pour en faire un allié objectif.

Les relations diplomatiques entre ces deux Etats ne sont pas rompues parcequ’ils sont antinomiques mais parce qu’ils se ressemblent trop. Le désaccord entreles deux n’est pas une différence de fond mais de style. Les deux partagent lamême peur, des révoltes internes qui renverseraient les famillesrégnantes.      

Est-ce que finalement cette décision ne traduit pas l'agacement de l'Arabie saouditeface aux velléités du Qatar de s’autonomiser politiquement de prendre unedimension internationale ? 

Très certainement. Depuis les attentats du 11 septembre impliquant15 terroristes saoudiens, l’image du royaume wahhabite s’est beaucoup dégradée,et l’idée d’un Etat soutenant le terrorisme s’est répandue après avoir étémarginale dans les années 90.

Face à une puissante monarchie rentière, mais à l’image archaïqueet désastreuse, a émergé un Emirat microscopique mais en phase avec son temps.Il a transformé ses faiblesses en force au point de devenir un acteurfinancier, diplomatique et médiatique incontournable dans le monde. Il a faittous les compromis, brisé tous les tabous, y compris le plus grand d’entre eux,l’hégémonie saoudienne dans la région.       



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