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Les ralliements à l'EI se multiplient, mais les chefs islamistes restent fidèles à Al-Qaïda

09-11-2014 09:25  Abbès Zineb

L'attractivité du groupe Etat islamique (EI), bombardé par l'aviation américaine en Irak et Syrie, ne cesse de croître dans les milieux radicaux, mais pour l'instant seuls des groupes marginaux ou des individus isolés l'ont formellement rallié, selon des experts.

Sur les cinq franchises principales d'Al-Qaïda - Afghanistan, Syrie, Somalie, Sahel et Yemen -, dont les chefs ont fait allégeance au mouvement fondé par Oussama ben Laden aujourd'hui dirigé par l'Egyptien Hayman al-Zawahiri, aucune n'a encore reconnu l'autorité à la tête de l'EI de l'Irakien Abou Bakr al-Baghdadi, qui se fait appeler "calife Ibrahim".

"Pour l'instant les ralliements à l'EI sont périphériques, non structurants", explique à l'AFP Dominique Thomas, spécialiste des mouvements islamistes à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). "Ils sont le fait de groupuscules ou d'individus marginalisés, en recherche de reconnaissance. Ils proclament leur ralliement pour exister".

L'expert donne en exemple le ralliement à l'EI le 16 septembre du groupe algérien Jund Al-Khilafa (les soldats du Califat), qui s'est fait connaître en enlevant puis décapitant le guide français Hervé Gourdel. "C'est un groupe qui était de longue date en conflit avec (le chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique Abdelmalek) Droukdel", dit-il. "Il y a également des logiques personnelles à l'oeuvre en Jordanie, en Arabie Saoudite, en Libye. Mais ce ne sont pas pour l'instant des organisations significatives en tant que telles".

"Nouvelles générations"

"Des organisations de poids, comme Aqpa au Yémen ou Aqmi, ont publiquement apporté leur soutien à l'EI et lui ont rendu hommage, car il n'est pas possible de ne pas les soutenir face à l'ennemi commun, l'Amérique, mais soutien et allégeance sont deux choses différentes". Dans le fief islamiste de Derna, dans l'Est de la Libye, plusieurs centaines de jeunes combattants membres du Conseil consultatif de la jeunesse islamiste ont récemment défilé à bord de pick-ups surmontés de la bannière noire de l'EI. Au Pakistan, des membres dissidents de l'organisation des talibans pakistanais (TTP) ont publié leur allégeance.

"Le ralliement le plus important, parce qu'ils revendiquent trois mille combattants, est celui des Libyens à Derna", estime Romain Caillet, chercheur et consultant sur les groupes jihadistes, joint au téléphone à Beyrouth. "Partout, les commandants subissent une pression de leurs bases pour se rapprocher de l'EI. Mais pour l'instant ils résistent: leur organisation existe, elle tourne, ils attendent. Il y a aussi sans doute à l'oeuvre un clivage de génération: les chefs d'Al-Qaïda semblent trop vieux, dépassés aux yeux des nouvelles générations". Pour Jean-Pierre Filiu, professeur à l'école Sciences Po Paris et spécialiste de l'islam radical,

"Daesh, ainsi qu'il est préférable d'appeler l'auto-proclamé +Etat islamique+, a définitivement détrôné Al-Qaïda comme référence ultime du jihad global à vocation planétaire". "Tous les groupes jihadistes d'importance lui ont apporté leur soutien face à la campagne de bombardements menée par les Etats-Unis. Ils n'ont pourtant pas prêté formellement allégeance à al-Baghdadi, car ce processus d'intégration dépendra sans doute d'une +globalisation+ de la confrontation dans une phase à venir, impliquant des attentats au-delà du Moyen-Orient", ajoute-t-il.

Passé maître dans l'utilisation d'internet et des réseaux sociaux, l'Etat islamique met en scène sa confrontation avec la coalition occidentale, à destination d'une mouvance jihadiste internationale toujours plus réceptive. "Plus la campagne aérienne va se poursuivre et s'intensifier, plus ils vont résister, plus son aura va y gagner et plus son attractivité va augmenter", estime Dominique Thomas. "En fait, l'engagement militaire direct de l'Occident a ressoudé les rangs, il est devenu primordial de ressouder les rangs face à l'ennemi. Les appels à la désescalade se multiplient, surtout venant d'Al-Qaïda, pour éviter la Fitna" (discorde au sein de l'Islam). (Afp)



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