Des télévisions privées, sans analyses, annoncent triomphalement le 01 aout 2016 que le grand quotidien américain The Washington va favoriser la destination investissement en Algérie, en espérant influencer les rapports, qui seront émis fin 2016 de la banque mondiale et du FMI, en faveur de l’Algérie. La question qui se pose est la suivante : Est-ce une opération purement commerciale pour ce quotidien au travers de pages publicitaires payées en devises par le FCE ou est-ce des écrits de grands reporters et experts internationaux de renom qui s’engagent en faveur de l’Algérie ce qui serait dans ce dernier cas nettement plus crédible ?
Pour rappel, les journaux américains les plus influents sans être exhaustif, sont The Wall Street Journal, USA Today, New York Times, Los Angeles Times, The Washington Post, Daily News (New York) et le New York Post. La ligne éditoriale de The Washington Post a été au début de centre gauche mais depuis quelques années le journal se rapproche du centre droit. Comme tous les médias écrits de par le monde, le tirage s’élève à environ 500.000 exemplaires/jour tandis que le tirage dominical est évalué à 650.000 exemplaires, en baisse par rapport aux années passées, concurrencé par les sites électroniques.
Dans ce cadre, l’initiative du Forum des chefs d’entreprises (FCE), de solliciter le grand journal américain The Washington Post (Wash Post) et l’agence True Media représenté par Mme Veronica Fuentes (photo), directrice exécutive de True Media, une agence de communication américaine chargée par le journal de mener ce travail intitulé «Algeria Investment Report», qui s’étalera sur 12 pages en hors-série publié et distribué à l’occasion de la réunion annuelle du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque Mondiale (BM), qui se tiendra du 7 au 9 octobre prochain à Washington, est louable afin, comme le stipule l’Accord, de «promouvoir le marché algérien et encourager les investisseurs américains à découvrir l’Algérie».
Afin que cette publicité, car c’est une publicité payante -c’est une Loi aux USA ou tout se paye-, soit fructueuse, il est bon de rappeler que l’Algérie a sollicité un grand quotidien américain fin 1999 et récemment plusieurs quotidiens européens dont le prestigieux quotidien français « Le Monde » qui ont publié plusieurs pages payées par l’Algérie en devises fortes. Ces publications, malgré leurs coûts exorbitants, n'ont en aucune manière influencé leurs lignes éditoriales, ni d’ailleurs les investisseurs qui ont eu une position critique vis à vis du climat des affaires en Algérie. Il s'agit aujourd'hui de raison garder en ne renouvelant pas les mêmes erreurs d’appréciation en posant les bonnes questions.
- Des experts américains ou hommes d’affaires de renom contribueront t-ils à la rédaction de ces 12 pages ?
- Combien ces pages coûteront au FCE en devises, quel sera le retour d’investissement, éventuellement le quotidien américain lors de ce contrat y a-t-il contribué et pour quelle part car 12 pages coûtent beaucoup d'argent ?
-Fera t-on intervenir seulement des officiels ou des personnalités algériennes connues pour leurs discours démagogiques et donc peu crédibles auprès de l’opinion américaine et des investisseurs mondiaux ?
- Avant d'engager une campagne médiatique en direction des américains, a-t-on fait une évaluation, un bilan des nombreuses rencontres algéro-américaines qui ont déjà eu lieu ?
- Une des fonctions les plus importantes au niveau des ambassades est la fonction de chargé des affaires économiques et financières, donc connaissant déjà parfaitement à travers leurs rapports quotidiens (c’est leur mission) la situation économique, sociale de l’Algérie. Qu’a fait l’ambassade algérienne aux USA pour promouvoir la destination Algérie ?
Connaissant parfaitement le fonctionnement des institutions internationales depuis de longues années et bon nombre de personnalités du monde des affaires étrangers, il y a fort à douter que sans une cohérence et visibilité dans la politique socio-économique de l’Algérie (donc passant par de profondes réformes structurelles), en plus des enjeux géostratégiques qui se dessinent au niveau de la région, et si ces conditions ne sont pas remplies, que même un quotidien de la trempe du The Washington Post puisse influencer le FMI ou la banque mondiale ou des investisseurs de renom qui ont des critères précis d’appréciation.
En fait si l’on veut attirer les investisseurs, il d’abord redonner confiance aux investisseurs nationaux devant éviter cette utopie bureaucratique des années 1970, que des rencontres ou des tapages publicitaires ou des codes d’investissements, puissent être la solution. D’ailleurs si des Ministres algériens sont reçus dans des forums mondiaux, cela n’est souvent pas du à leurs niveaux intellectuels ou écrits mais parce qu’il représentent un grand pays comme l’Algérie. Nos Ministres sont hors circuit des rencontres internationales. Aussi pour paraphraser les militaires, ne nous trompons pas de cibles.
Si l’Algérie améliore, outre l’aspect sécuritaire qui a un coût, le climat des affaires au niveau interne, dont la débureaucratisation de la société et si le taux de profit comparé aux taux de profit des autres zones est attractif, du fait de la forte concurrence, les investisseurs américains viendront alors d’eux-mêmes. Les dirigeants algériens doivent s’adapter au nouveau monde et être pragmatique, dans la pratique des affaires il n’existe pas de sentiments. En bref, il ne s'agissait pas d'avoir une position négative mais seulement être objectif : l’initiative louable du Forum des Chefs d’Entreprises (FCE) de solliciter le Washington Post qui, en 2013, a cité dans ses dossiers le Maroc et la Jordanie comme des exemples, permettra t-elle d’attirer des investisseurs américains, sans réformes en Algérie ?
Pour terminer, il est bon de rappeler que l’ambassadrice des Etats-Unis d’Amérique, Joan A. Polaschik, dans une récente déclaration a indiqué : « il n’y a pas que la règle 51/49 qui dissuade les hommes d’affaires américains de venir investir en Algérie dans d’autres secteurs économiques hors hydrocarbures mais le climat des affaires qu’il faut améliorer au lieu de se focaliser uniquement sur une loi ».