S'ils décident d'intervenir, les Occidentaux "puniraient" Damas en menant une brève opération de frappes chirurgicales contre des intérêts stratégiques afin de "dissuader" le régime d'utiliser ses armes chimiques et "dégrader" ses moyens militaires, estiment lundi experts et responsables militaires. A Washington, Londres ou Paris, les déclarations des derniers jours des responsables politiques ne laissent guère de doute : une réaction d'ordre militaire est désormais sérieusement envisagée.
"Nous avons essayé les autres méthodes, les méthodes diplomatiques, et nous continuerons à les employer, mais elles ont jusqu'ici échoué (...) Mais je ne peux pas détailler les options militaires pour le moment", a déclaré lundi William Hague le ministre britannique des Affaires étrangères. Le chef de la diplomatie américaine John Kerry a de son côté jugé que "rien n'est plus grave aujourd'hui et rien n'est plus scruté" que l'utilisation des armes chimiques, dont il accuse le régime d'avoir fait usage à grande échelle le 21 août.
Dans ce contexte, les capitales pourraient se mettre d'accord sur une opération limitée "dont le but serait purement punitif, dont l'objectif serait ni de changer le régime à Damas, ni de renverser l'équilibre sur le terrain en faveur des forces rebelles", avance Jonathan Paris, expert du groupe de réflexion Atlantic Council. "Lancer des attaques ciblées à l'aide de missiles tirés depuis la mer contre des dépôts de munitions ou des infrastructures stratégiques syriens semble être la seule option réaliste à l'heure actuelle", estime aussi Markus Kaim, de l'institut allemand SWP.
Une telle opération pourrait être très brève, menée en un jour ou deux. Si le président Obama l'ordonne, les Etats-Unis frapperont la Syrie à l'aide de missiles de croisière Tomahawks, lancés depuis quatre destroyers croisant actuellement en Méditerranée orientale, ont affirmé à l'AFP plusieurs responsables américains de la Défense s'exprimant sous couvert de l'anonymat. Ces bâtiments sont les seuls prévus à ce stade pour une éventuelle opération, qui n'impliquerait pas de frappes aériennes, selon l'un de ces responsables.
L'objectif serait non pas de changer le rapport de force sur le terrain entre régime et rebelles, mais de "dissuader" Bachar al-Assad de conduire de nouvelles attaques chimiques et de "dégrader" sa capacité à le faire en ciblant des infrastructures militaires liées à ces armes (centres de commandement, centres logistiques, mais pas les sites de stockage eux-mêmes), a expliqué un autre responsable américain. "A l'heure actuelle, les seuls qui se mobilisent publiquement et concrètement sont les Américains", remarque Vivien Pertusot, directeur de l'Institut des relations internationales (Ifri) à Bruxelles.
Mais ils pourraient selon lui être secondés par les Français, qui "ont des moyens disponibles, comme les avions Rafale, sur leurs bases d'Abu Dhabi et de Djibouti", et par les Britanniques, même si le Parlement devra donner son feu vert à toute intervention. Pour les experts, il est peu probable qu'une opération limitée engage l'Otan ou soit menée au nom de l'Union européenne, en raison de la complexité à obtenir rapidement un consensus politique entre les pays membres de ces deux institutions. L'opération pourrait donc être menée par quelques pays réunis au sein d'une "coalition of the willing" ("coalition de volontaires").
Elle pourrait comprendre des États de la région, comme la Turquie, prêts à se passer du feu vert du Conseil de sécurité de l'ONU en raison de l'opposition de la Russie et de la Chine. Dans ce cas, un précédent est fréquemment évoqué : les frappes aériennes menées par les Occidentaux en 1999 contre les forces serbes au Kosovo, en dépit d'une absence d'un mandat de l'ONU auquel s'était opposée la Russie. La secrétaire d’État américaine, Madeleine Albright, avait alors défendu le caractère "légitime", à défaut de "légal", de l'intervention.
Si les Occidentaux décidaient de ne pas lancer d'opération militaire, ils pourraient se contenter d'accroître leur soutien aux forces rebelles syriennes, mais cette option minimaliste n'enverrait pas un message de fermeté à Bachar al-Assad, selon les experts. La réaction occidentale "va être arbitrée dans les jours qui viennent", a déclaré lundi Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française. En tout état de cause, aucune intervention n'interviendrait avant le départ de Syrie des inspecteurs de l'ONU chargés d'examiner l'utilisation d'armes chimiques dans le conflit, selon un responsable américain. Quelle qu'elle soit, le régime syrien est prêt à faire face "à tous les scénarios", a averti un haut responsable des services de sécurité. (Afp)