Algérie 1

Icon Collap
...

Hiroshima, Fukushima, une tragédie japonaise

06-08-2012 22:09  Abbès Zineb

Sunao Tsuboi avait 20 ans. Le 6 août 1945, il était en route pour la fac. Il habitait Hiroshima. A 87 ans, ce vieillard brûlé et irradié par la première bombe atomique de l'histoire de l'humanité ne voit pas beaucoup de différence avec la tragédie de Fukushima.

Le survivant d'Hiroshima s'est uni lundi aux rescapés de l'accident nucléaire de Fukushima pour condamner l'atome. "Si l'on parle de victimes nucléaires, nous sommes identiques", dit à l'AFP ce miraculé du feu nucléaire qui s'est abattu il y a 67 ans sur cette ville de l'ouest du Japon. 140.000 morts, un tapis de cendres.

Alors qu'une cloche lugubre marquait lundi matin le début des cérémonies annuelles du souvenir dans cette ville martyr, pour lui le cauchemar a refait surface le 11 mars 2011. Après un monstrueux tremblement de terre, une vague géante s'abat sur la centrale nucléaire Fukushima Daiichi, sur la côte nord-est du pays.

Le 12, explosion d'hydrogène dans le bâtiment abritant le réacteur 1, le toit de la bâtisse s'effondre. Le 14, explosion d'hydrogène dans le bâtiment du réacteur 3. Une course contre la montre et contre la mort commence.

Pour Sunao Tsuboi, qui vit avec un cancer des intestins peut-être dû aux radiations, il n'y a pas de différence entre les victimes de l'atome militaire et de l'atome civil. "La technologie nucléaire dépasse la sagesse humaine. J'espère voir un monde débarrassé du nucléaire de mon vivant", dit le vieillard.

Son appel résonne dans les esprits au Japon où le mouvement antinucléaire ("genpatsu sayonara", au revoir le nucléaire) prend de plus en plus d'ampleur depuis que le gouvernement a décidé cet été de redémarrer 2 des 50 réacteurs du parc japonais. Toutes les semaines depuis des mois, ils sont au moins des milliers à venir sous les fenêtres du Premier ministre pour demander l'abandon de l'atome.

La peur nucléaire au ventre

Pour les survivants de l'enfer d'Hiroshima, et ceux trois jours plus tard de Nagasaki, les images télévisées du drame de Fukushima ont rouvert des blessures, ravivé de terribles souvenirs que l'on croyait profondément enfouis.

"Ces images en ont fait resurgir d'autres, abominables", raconte d'une voix étranglée Misako Katani, une femme de 82 ans qui a survécu et à Hiroshima et à Nagasaki.

Les autorités de Tokyo ont eu beau assurer que personne n'était directement mort des radiations libérées par la fonte du combustible des réacteurs de Fukushima, beaucoup de ceux qui ont fui la région vivent toujours avec la peur nucléaire au ventre un an et demi plus tard.

Sachiko Sato, évacuée comme des dizaines de milliers d'autres habitants de la zone de Fukushima, était lundi à Hiroshima pour les commémorations. "Nous pouvons partager la même tristesse avec les gens d'Hiroshima et Nagasaki. Pour moi, Fukushima c'est comme une troisième tragédie".

De cette "malédiction nucléaire" est née une étonnante solidarité à presque 70 ans de distance: "Nous voulons travailler ensemble avec les gens de Fukushima et unir nos voix pour dire: plus jamais de victimes du nucléaire", dit Toshiyuki Mimaki, lui aussi rescapé du feu atomique d'Hiroshima.

Mais au-delà de l'émotion, certains "vétérans" tel Shigeji Yonekura, 79 ans, refusent ce parallèle. "On ne peut pas comparer. La bombe a été larguée en temps de guerre et personne n'est venu à notre aide, alors que l'accident de Fukushima s'est produit en temps de paix et, là, tout le monde est venu au secours".

Et malgré son drame personnel, M. Yonekura semble résigné: son pays n'a pas de ressources naturelles et ne pourra probablement pas se passer du nucléaire, "un diable nécessaire" murmure-t-il.

Une chose est certaine: la catastrophe de Fukushima a réveillé chez ceux qui ont vécu et survécu aux drames d'Hiroshima et Nagasaki un sentiment de trahison.

Miyako Jodai, une miraculée de Nagasaki (70.000 morts) étale sa colère: "J'étais convaincue qu'on pouvait accepter le nucléaire civil parce que je croyais que les réacteurs étaient sûrs. Après cet accident et la façon dont notre gouvernement a géré la suite, je me suis sentie trahie".(Afp)



Voir tous les articles de la catégorie "International"