Par Djamel Bouatta
Le Maroc, dont le roi vient d’achever un périple dans les Amériques prend à partie le Venezuela. La cause : un rappel par le président Nicolas Maduro des fondamentaux internationaux de son pays devant l’Onu. Le représentant du Venezuela au sein de l’institution multilatérale qui tient encore la route face à une mondialisation tout azimut donnant la primauté à la suprématie militaire étasunienne et à la finance internationale, également au service des Etats unis, a qualifié le Sahara occidental de "territoire occupé".
Ce qui est considéré tel quel par l’Onu, l’Union africaine et bien d’autres institutions internationales et/ ou régionales. Le pays de Chavez traverse une crise sans fin qui s’est aggravée depuis début du mois, c’est le moment choisi par le Maroc pour ajouter sa couche. Le ministère marocain des Affaires étrangères a exploité les manifestations qui ont lieu contre le président vénézuélien, estimant que les Vénézuéliens se trouvent ‘’privés de leurs droits humains les plus élémentaires’’ et stigmatisant ‘’l’oligarchie minoritaire au pouvoir’’ qui a accaparée les ressources importantes en hydrocarbures dont dispose le Venezuela.
Auparavant, l’ambassadeur marocain à l’ONU Omar Hilal a fustigé la ‘’ dernière dictature d’Amérique latine’’, pays de pétrole et de gaz où la population est ‘’condamnée à la pauvreté et à la misère’’…Et la diatribe ne s’est pas arrêté, amplifiée par les médias marocains.
Evidemment le Maroc ne s’est pas regardé dans le miroir notamment en ce qui concerne les droits de l’homme à propos desquels il est régulièrement pointé du doigt par les ONG spécialisées, les organismes internationaux de veille sur le respect des conventions internationales et les lanceurs d’alertes sur les violations des droits humains, y compris au Maroc.
La hargne de Mohamed VI contre Nicolas Maduro a été accentuée par le rapport du secrétaire général de l’ONU, António Guterres (ex-président du Portugal), sur la question du Sahara occidental, lundi 10 avril aux membres du Conseil de sécurité, confirmant le principe de la décolonisation et du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Son document a témoigné de la volonté du nouveau responsable des Nations Unies de mettre fin au conflit empoisonnant la région du Maghreb depuis 41 ans sur la base des résolutions internationales et des mécanismes y afférant.
Pour l’Onu, comme pour l’UA rejointe récemment par le Maroc, l’ancienne colonie espagnole est en grande partie sous contrôle du royaume marocain depuis 1975. Un cessez-le-feu supervisé par une force de maintien de la paix de l'ONU (Minurso) est intervenu en 1991. Le Front Polisario réclame un référendum d'autodétermination alors que Rabat propose une autonomie sous sa souveraineté. Avec son retour au sein de l'UA en janvier 2017, Mohamed VI a repris contact avec des pays reconnaissant le Polisario, tentant de les convaincre de couper les ponts avec le mouvement indépendantiste. Sans succès.
La goutte a débordé avec le Venezuela avec lequel les relations étaient à leur plus bas depuis plusieurs décennies. Mi-janvier, le Maroc décide de fermer son ambassade à Caracas pour la «déménager» vers la République Dominicaine. La réaction fait suite à la nomination, le 10 du même mois, d'Hector Michel Mujica en tant qu'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire auprès de la RASD.
Le Venezuela était d'ailleurs l'un des premiers Etats à reconnaître la RASD en août 1982, soit presqu'au moment où le Maroc claquait la porte de l'Union Africaine pour les mêmes raisons. Hugo Chavez en mars 2006, a refusé tout simplement de recevoir Mohamed Benaïssa, ex-ministre des AE marocain en tournée en Amériques Latine pour vendre exposer l'offre d'autonomie pour les régions du Sahara, alors qu’il déroulait le tapis rouge aux responsables de la RASD.
S’en était trop pour Rabat…Pour la petite histoire, la représentation marocaine de Caracas était restée sans ambassadeur depuis 2008, juste après qu’Hugo Chavez expulsa l'ambassadeur israélien suite à la sauvage offensive israélienne sur Gaza. Pour terminer, le coup de sang de Mohamed VI est intervenu après ses séjours à Cuba et aux Etats unis où ses visites sont passées inaperçues.
La Havane et Washington n’ont pas déployé de tapis rouge sous ses pieds, Raoul Castro et Donald Trump ne lui ont pas accordé d’audiences officielles…Visites aux Amériques sans échos. Par ailleurs, Mohamed VI a évoqué à la Havane la reprise des relations diplomatiques avec Cuba, relations que son père avait rompues il y a 37 ans quand Fidel Castro avait reconnu la République arabe démocratique sahraouie. Raoul Castro avait annoncé aux Sahraouis la demande marocaine et le OK de son pays tout en soulignant qu’il maintient la position de son pays sur la question et qu’il ne sera jamais question de basculer dans les postures marocaines.