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Election présidentielle 2019 : les paris sont ouverts

03-09-2017 09:14  Khidr Ali

L’élection présidentielle 2019, c’est dans vingt mois environ. Mais elle est déjà présente dans le débat, et à bien des égards, elle cristallise l’attention de l’opinion plus que les élections locales du 23 novembre, qui restent un enjeu local, limité. Ce qu’on pourrait qualifier de « feuilleton Tebboune », qui a agité le microcosme politico-médiatique pendant cet été, en ce qu’il est entendu comme le signe de l’ouverture des hostilités entre les différents prétendants pour la succession, a projeté hic et nunc cette échéance de 2019.

Pour autant, le coefficient de lisibilité qu’elle offre est infime, tant il est difficile pour les observateurs, comme pour les différentes chapelles du pouvoir, de dire de quoi sera fait 2019, mais surtout de qui, car 2109, c’est l’affaire d’un homme. L’homme qui présidera aux destinées de l’Algérie. Qui sera donc cet homme ? Abdelaziz Bouteflika ?  En théorie, oui, il pourrait bien prétendre à un cinquième mandat. En tous cas la constitution le lui permet. Mais pas son état de santé. Une raison pour laquelle sa candidature pour succéder à lui-même parait objectivement peu probable. Mais on ne sait jamais, la politique est l’art de tous les possibles. En dehors de Bouteflika, qui dans le théâtre politique algérien se glisserait en 2019 dans le costume du futur président Algérien ? Entre probables, potentiels et virtuels, les candidats sont nombreux.  Revue des effectifs par ordre alphabétique.

Abdelaziz Belkhadem. L’homme est revenu ces derniers jours à la Une de l’actualité. Les rumeurs le donnent comme successeur d’Ahmed Ouyahia comme directeur de cabinet du président.  Un poste qui lui permet d’être en embuscade pour être une des cartes possible du système. Visiblement Belkhadem a fini son purgatoire, après avoir été brutalement évincé par le président Bouteflika. Député plusieurs fois au temps du parti unique, président de l’APN, ministre, chef du gouvernement, secrétaire général du FLN, ministre d’Etat conseiller du président de la République, le natif d’Aflou, dans la wilaya de Laghouat, a la surface politique et une connaissance des institutions qui le créditent d’une candidature potentielle. Il a aussi cet avantage sociologique de compter des partisans aussi bien chez les islamistes que les conservateurs du FLN. Petit bémol néanmoins, son « analphabétisme » en matière économique. En la matière, il ne pige pas grand-chose, avancent les gens qui le connaissent plutôt pour sa propension aux envolées poétiques. Il se trouve qu’en cette période l’Algérie a besoin d’un manager qui doit jongler avec les chiffres et pas les lettres.

Ali Benflis.  C’est un pur produit du système en rupture de banc, depuis 2004. C'est le Brutus Algérien, celui qui a trahi son mentor qui lui a ouvert toutes les portes. Ancien ministre de la Justice, il se verra ouvrir les cieux par le président Bouteflika qui le désignera comme directeur de la campagne électorale, puis secrétaire général de la présidence de la République, ensuite Directeur de cabinet du président et enfin Chef du gouvernement et secrétaire général du FLN. Ses ambitions démesurées et mégalomaniaques le pousseront à se présenter pour la magistrature suprême où il échouera à deux reprises en 2004 et 2014. En septembre 2015, son parti, Talai Houriat Al Djoumhouria, sera agréé par le ministère de l'intérieur. Depuis qu’il a quitté le giron du pouvoir, Benflis a radicalisé son discours : "Paralysie des institutions de l’Etat", "Prise de décisions par des forces extraconstitutionnelles" font partie des éléments de langage qui ponctuent ses diatribes récurrentes contre les tenants du pouvoir en place.

Said Bouteflika. Dans tous les scénarios de la succession, il est présenté comme le dauphin de son frère de président dont il est officiellement le conseiller. Said Bouteflika a une connaissance parfaite des arcanes du système qu’il pratique depuis 1999. Une connaissance aussi des grands dossiers. Autant de prérequis qui lui donnent incontestablement un avantage par rapport aux autres postulants. Said Bouteflika, est ancien membre du CNES à l’université de Bab Ezzouar où ses interventions dans les assemblées générales étaient remarquables. Mais une candidature à la présidence lui exige de quitter l’ombre protectrice des coulisses du pouvoir pour la lumière du débat public contradictoire. Lors de la manifestation de soutien à l’écrivain Rachid Boudjedra, Said Bouteflika avait fait son baptême de feu. C’est un premier jalon qui doit être suivi par d’autres sur la voie de la conquête de la société pour y trouver ses relais. Reste maintenant une hypothèse hautement probable : S'il est désigné dauphin avant le départ en 2019 du président Bouteflika ou si ce dernier provoque des élections présidentielles anticipées, et que son jeune frère est candidat, le système en entier lui sera acquis et rien ne s'opposera à succéder à son ainé.

Mouloud Hamrouche. A chaque élection présidentielle, son nom revient systématiquement, comme dans un jeu de martingale. Mais sans jamais franchir le pas, sauf pour les élections de 1999, avant de se retirer comme les autres candidats en constatant que les dés étaient pipés. Connaissant parfaitement le système pour en être issu, avant de prendre ses distances, Hamrouche sait bien qu’une candidature sans l’onction de qui de droit est vouée à servir de garniture dans le décor. Après avoir sillonné le pays pour animer des conférences, l’ex chef de gouvernement de Chadli Bendjeddid s’est imposé à nouveau une diète médiatique. A-t-il comprit que ses messages subliminaux envoyés à la grande muette faiseuse de rois n’ont pas fait mouche ? A-t-il définitivement mis une croix sur son ambition présidentielle ?

Louisa Hanoune. Elle est le visage féminin de la politique en Algérie, par excellence. C’est une incontournable du paysage politique depuis l’instauration du pluralisme politique en Algérie.  A la tête du PT depuis sa création, tout en enchainant quatre mandats successifs de député, Louisa Hanoune a été quasiment de tous les rendez-vous de la présidentielle. Candidate en 2004, 2009 et 2014, elle a toujours inscrit sa participation comme le prolongement de l’action politique de son parti tendant soutenir l’Etat et ses institutions. Celle que l’on décrit comme la pasionaria du jeu politique algérien sera-t-elle candidate pour la quatrième fois ?

Abderazak Makri. Il vient de céder provisoirement son fauteuil de numéro Un du MSP à Abdelmadjid Menasra, après le congrès extraordinaire de la fusion entre leurs deux formations. Mais en bête médiatique, Makri est très présent sur les réseaux sociaux pour faire part régulièrement de ses analyses et ses points de vue sur l’écume politique en Algérie. Depuis qu’il a pris démocratiquement les rênes du parti, succédant à Abou Djara Soltani, le député de M'Sila a ancré le MSP dans l’opposition. Non sans reconquête de la base du parti. Revenu définitivement de la politique « participationniste », Abderazak Makri a rejeté l’offre de participation de son parti au gouvernement. La fusion entre le MSP et le parti de Menasra se veut comme un premier jalon dans la voie de la fédération du courant islamiste. Makri ne cache plus son ambition d’être le leader de ce courant. Ce qui donne du coup plus de probabilité à sa candidature dans le cadre de la présidentielle de 2019. A moins d’une action de boycott de l’opposition.

Ahmed Ouyahia : Il s’est engagé publiquement à ne jamais se présenter contre le président Bouteflika. Certainement par égards pour l'aîné qui fait partie de ces figures épiques qui ont écrit le roman national. Si donc le président Bouteflika est non partant, un boulevard très large s’ouvrira devant Ahmed Ouyahia. C’est que le fils  du chauffeur  de la RSTA, un détail qu’il met toujours  un point d’honneur à rappeler par gratitude à son père, est incontournable. De tous les candidats, c’est  celui dont le nom revient le plus. Il est vrai que Ahmed Ouyahia a les épaules et la carrure d’un homme d’Etat. De l’avis même de ses adversaires politiques, comme Djamel Ould Abbès, Abou Djara Soltani ou encore l’’ex président de l’APN, Abdelaziz  Ziari qui a salué son retour à la tête de l’exécutif. Etudes brillantes à l’ENA, diplomate, secrétaire d’Etat, ministre de la Justice et surtout quatre fois à la tête de l’exécutif, en plus d’être à la tête d’un parti qui représente la seconde force politique du pays même si la force réelle du RND reste un grand mystère. Un parcours sans égal dans les annales de la politique nationale. Une expérience, une connaissance du fonctionnement des institutions et des coulisses  ténébreuses du système tout au long de ces années pour ce commis de l’Etat dont la compétence est reconnue de tous. Autant d’atouts qui font de lui théoriquement le candidat le plus apte à diriger l’Algérie. Sauf que toutes ces qualités risquent de s’avérer insuffisantes pour faire du fils de Bouadnane le candidat du consensus. Les considérations claniques, régionalistes restent un critère majeur, in fine.  Au sein même du système, il compte autant d’amis que d’adversaires. De plus il porte comme une croix cette histoire des emprisonnements abusifs de centaines  de cadres. Ouyahia dont le nom reste lié ad vitam aeternam  à celui des cadres jetés dans les prisons,  porte également une seconde croix, celle des « ponctions » qui collent à son personnage depuis des années, même  si pour la vérité il faut rappeler que les travailleurs ponctionnés sont été remboursés avec intérêt et principal. Malgré sa compétence  avérée  et son art consommé  de jongler avec les chiffres qui font de lui une redoutable bête politique, Ahmed Ouyahia, l’homme, irrite en revanche  par une certaine suffisance, cet air du  premier de la classe qui sait tout, sa façon aussi  de se revendiquer d’un patriotisme de matamore et son regard fixé au rétroviseur des années 70.Sa propension aussi à tourner en bourrique l'opposition en cherchant à la puériliser.

Son passage prochainement devant les députés pourrait être pour lui l’occasion de soigner un peu plus son image  pour se placer en position idéal, si jamais….

Abdelmalek Sellal : Au moment de quitter le palais du gouvernement pour passer les commandes à son éphémère successeur, Abdelmadjid Tebboune, Abdelmalek Sellal a eu des mots de gratitude pour le président Bouteflika.  Dans sa bouche cela ne devait pas être que de la coquetterie  de circonstance, car Abdelmalek Sellal doit une fière chandelle au président Bouteflika. C’est lui qui a donné une dimension supérieure à sa carrière politique en le nommant, un peu à la surprise générale, comme premier ministre pour succéder à Ahmed Ouyaha. Cinq ans comme chef du gouvernement pour soigner sa stature, travailler son personnage. Propulsé au devant de la scène nationale et internationale, en l’absence du président de la république, Abdelmalek Sellal a pris de la bouteille. Au fil des années et des voyages, le ministre techno qu’il était a appris à se politiser, malgré une communication désastreuse  et des boutades  souvent malheureuses qui ont fait le miel des facebookers. Mais le personnage est très sympathique, le plus avenant de tous les premiers ministres. La confiance du président Bouteflika, conjuguée à l’acquisition du métier de personnage politique, ont probablement faire croire à Sellal un destin présidentiel, même s’il s’en est toujours défendu.  Son nom a fini par s’imposer parmi celui des présidentiables et la fin de sa mission comme premier ministre aura été une grande surprise pour lui même d’abord et pour l’opinion publique qui l'avait adoptée. Au jour d’aujourd’hui la question est de savoir si Sellal a encore un avenir politique. Lui, comme les autre produits du système reste un des choix possibles.

Dr Said Sadi. C’est une figure majeure du paysage politique algérien, depuis l’instauration du pluralisme politique. Bientôt trois décennies de combat politique et intellectuel pour faire avancer les idées de démocratie, de modernité et de citoyenneté en Algérie. Au fil de ces années, le Dr Said Sadi a acquis une stature, un charisme beaucoup plus grand que son parti le RCD où il paraissait corseté. Le Dr Said Sadi a déja participé à deux élections présidentielles, en 1994 et en 2004. Incontestablement sa participation éventuelle donnera du muscle et de la crédibilité à la présidentielle de 2019. Reste à savoir si le cœur y est toujours. Rencontré dernièrement lors d’une cérémonie, il a déclaré aux journalistes qu’il travaillait actuellement à la rédaction de ses mémoires. Pour, explique t-il, apporter des réponses aux citoyens qui l’interrogeaient régulièrement sur des événements dont il était acteur ou témoin. En général quelqu’un qui rédige ses mémoires renonce à l’action pour se consacrer au bilan.  

Les autres : Aux côtés de ces candidats qui sont en réelle capacité de postuler à un mandat présidentiel, il y aura certainement  pour 2019, les éternels  sanafirs (shtroumphs) qui vont concourir qui pour l’histoire, qui pour avoir une autre ligne sur leur CV, qui pour amuser la galerie... C’est le cas des Rebaine, Mohamed Said, Sassi Mebrouk, Chérif Taleb, Dr Hadef et tutti quanti.

Cela étant dit, le véritable candidat que le pouvoir va nous sortir de son chapeau est peut-être hors de cette liste, qui n'est que pure conjecture, même si Louis XIV disait "que Tout l'art de la politique est de se servir des conjectures."



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