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Des réformes structurelles pour éviter l’épuisement des réserves de change

23-08-2016 12:42  Pr Abderrahmane Mebtoul

Le dernier rapport du centre national des statistiques douanières (CNIS) en date du 22 août 2016, qui a indiqué un déficit commercial record de janvier à fin juillet 2016, implique des mesures non conjoncturelles et une vision stratégique se fondant sur des réformes structurelles afin d'éviter à l'horizon 2019/2020 l'épuisement des réserves de change.

1.-Selon les statistiques officielles du gouvernement, l’Algérie pour 2015 a accusé un déficit commercial, non inclus les services et les transferts de capitaux, de 13,7 milliards de dollars US (Mds US), en raison de la baisse des cours des hydrocarbures, alors que le taux de couverture des importations par les exportations a été de 73% contre 107% en 2014. Les hydrocarbures ont représenté l’essentiel des exportations de l’Algérie avec une part de 94,54% du volume global des exportations et une diminution de 40,76% par rapport à l’année 2014.

2.-Selon les statistiques douanières citées par l’APS en date du 22 aout 2016, pour les sept premiers mois de 2016, le déficit commercial de l'Algérie a atteint 11,93 milliards de dollars (mds usd) durant les sept premiers mois de 2016 contre un déficit de 9,43 mds usd à la même période de 2015, soit une hausse du déficit de 26,5%. Les exportations sont évaluées à 15,14 mds usd contre 22,1 mds usd sur la même période de 2015 (-31,48%), soit un recul de près de 7 mds usd.

Les importations, malgré toutes les restrictions, se sont établies à 27,07 mds usd contre 31,53 mds usd (-14,14%), en baisse seulement de 4,46 mds usd, donnant un taux de couverture des importations par les exportations de 56% contre 70% entre les deux périodes de comparaison

3.-Il est intéressant de connaitre l’évolution du mode de financement des importations qui influent sur la structure et le niveau des réserves de change de janvier 2015 au 31 juillet 2016. Les importations réalisées au cours de l’année 2015 ont été financées par CASH à raison de 58,78%, soit près 30,27 milliards de dollars US, enregistrant ainsi une diminution de 5,44% par rapport à l’année 2014. Les lignes de crédits ont financé 37,72% du volume global des importations, soit une baisse de 22,08%. Le reste des importations est réalisé par le recours aux autres transferts financiers à raison de 3,5%, soit en valeur absolue de 1,8 milliard de dollars US. Pour les sept premiers mois de l’année 2016, sur les 27,07 mds usd d'importations, un montant de 15,73 mds usd a été payé par cash (58,11% des importations), soit un recul de près de 16% par rapport à la même période de 2015. Les lignes de crédit ont financé les importations à hauteur de 37,87% pour un montant de 10,25 mds usd, en baisse de 14,21%, tandis que les comptes en devises propres ont financé à hauteur de 2 millions usd, en baisse de 88,24%. Le reste des importations a été financé par le recours à d'autres moyens de paiements à hauteur de 1,087 md usd, en hausse de 28,49%

4.-Quelles conclusion en tirer ? Au rythme des sept premier mois de 2016, les recettes d’exportation, évaluées pour les sept premiers mois à 15,14 mds sur les 6,27% plus de 60% étant des dérivées d‘hydrocarbures) , les hydrocarbures et leurs dérivées représentant 97% , se situeront à environ 26 milliards de dollars. Ce sont les recettes et en prenant un ratio moyen de 20% de coût le profit net serait de 21 milliards de dollars. Pour les importations établies à 27,07 mds usd pour les sept premiers mois, au même rythme nous aurons une importation de biens de 47 milliards de dollars. Les données douanières ne mentionnent que les biens alors que le document de référence est la balance des paiements. A ce montant il faudra ajouter environ 9 milliards de dollars d’importation de services ( la moyenne entre 2010/2015 a été de 10/12 milliards de dollars par an ) plus les transferts légaux de capitaux d’environ ¾ milliards de dollars, ce qui nous donnerait une sortie de devises fin 2016 d’environ 59/60 milliards de dollars.

Ainsi le déficit global, contrairement à certaines affirmations euphoriques, au même rythme des sept premiers mois 2016, importation biens et services/exportation avec un cours ne dépassant pas 50 dollars le baril, devrait dépasser les 30 milliards de dollars. L’Algérie a besoin d’une visions stratégique qui fait cruellement défaut, tenant compte tant de la transformation du monde que de la société algérienne et non de mesures conjoncturelles, devant s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire. Comme ce résultat mitigé de l’emprunt obligataire concernant la partie dinars, où a été réalisé un transfert vers la sphère réelle avec des rentes spéculatives asséchant les banques, alors qu’existent d’autres niches : voyez ces bateaux en rade avec des cours de surestaries supérieurs au moment promis de cet emprunt. Un sursaut national s’impose pour des raisons de sécurité nationale, loin de la démagogie dévastatrice, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques.

En résumé l’Algérie, pays à importantes potentialités, a besoin d’actions concrètes sur le terrain. Faute de quoi, les prévisions de la banque mondiale, qui sont partie des données officielles algériennes, en cas de non changement de la trajectoire socio-économique, d’une nouvelle gouvernance locale et centrale, supposant de profondes réformes structurelles, risquent de s’avérer malheureusement juste (1). Le risque est un épuisement des réserves de change horizon 2019/2020. L’Algérie pour ne pas renouveler l’expérience malheureuse des impacts de la crise de 1986, la différence avec cette période, un stock des réserves de change important bien qu’en nette diminution et une dette extérieure relativement faible, doit trouver un consensus social minimum, associant toutes les forces politises et économiques soucieuses des intérêts supérieurs du pays , devant dépasser les clivages partisans étroits et aller vers les véritables réformes.

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(1)-Voir interview du Pr Abderrahmane MEBTOUL au quotidien El Moudjahid (mardi 28 aout 2016) « Réussir les réformes structurelles ».

NB -En vue d’étudier le rapport du 07 juillet 2016 pour la région MENA de la banque mondiale, consacré à l’ impact de la baisse du cours du pétrole sur les pays pétroliers de la région MENA , une rencontre Algérie / Banque mondiale est prévue à Alger le lundi 29 août de 14h30 à 16h30 sur le thème « QUID DES PRIX DU PÉTROLE ? ». Le présentateur sera M. Shantayanan Devarajan – Économiste En Chef du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord de la Banque mondiale, les panélistes choisis sont M. Sid Ali Boukrami Professeur des Universités -M. Abdelhak Bedjaoui Directeur Général, Relations Economiques et Financières Étrangères, Ministère des Finances, Algérie -M. Djamel Benbelkacem - Directeur Général des Etudes, Banque d’Algérie -M. Abderrahmane Mebtoul - Professeur des Universités et le Modérateur : M. Demba Ba - Représentant Résident, Groupe de la Banque Mondiale en Algérie (1)-Pr Abderrahmane MEBTOUL au quotidien gouvernemental El Moudjahid « à la Une » (mardi 28 aout 2016) « Réussir les réformes structurelles »



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