Le projet de révision de la constitution a enfin vu le monde après une longue gestation, depuis le 15 avril 2011, date à laquelle le président Bouteflika avait annoncé des réformes politiques profondes » pour conjurer les vents dévastateurs du « printemps arabe » qui venait déjà d’emporter le régime de Benali en Tunisie.
Ahmed Ouyahia qui, pour le coup, se paie une visibilité politique en a révélé les principaux changements. Un premier constat s’impose : les amendements qui à la fois nombreux et d’une grande densité, ne touchent pas pour autant aux équilibres des pouvoirs. Ce qui a fait dire à des experts, que la voie parlementaire sera probablement celle que le conseil constitutionnel va choisir s’agissant du mode d’adoption du texte. Exit donc la voie référendaire qui n’est pas sans risque dans le contexte politique actuel.
Limitation des mandats présidentiels à deux
Mais pour s’arrêter sur les changements, il faut d’abord souligner l’article 74 qui consacre à nouveau la limitation des mandats présidentiels à deux quinquennats. En somme, un retour à la constitution de 96 du président Liamine Zeroual. Mais le président Bouteflika entend consacrer l’intangibilité de cet article sur la limitation des mandats à travers un article, le 78 qui stipule que toute révision constitutionnelle "ne peut porter atteinte au fait que le président de la République est rééligible une seule fois".
Est-ce que cette digue protectrice est suffisante pour rendre irréversible la limitation des mandats ? Seul l’avenir nous le dira. Mais pour le moment il faut saluer ce choix majeur.
Consécration officielle de la langue Tamazight
Le deuxième grand acquis de ce projet de révision, c’est la consécration officielle de la langue Tamazight. Il faut d’emblée saluer le courage politique du président qui démontre ainsi dans les actes son souci de conforter les éléments de l’identité nationale. Et d’enlever aussi un fonds de commerce à des parties qui utilisent cette revendication légitime pour des visées centrifuges.
Politiquement, la chose est pesée et emballée, désormais, la balle est dans les camps des chercheurs et des académiciens qui auront à relever le défi de standardiser la langue Amazigh pour qu’elle puisse devenir celle de « l’administration et de la police », selon la célébre boutade du fondateur de la linguistique moderne Ferdinand de Saussure.
Premier ministre issu de la majorité
S’agissant de l’exécutif, le président de la république concédera désormais une partie de ses compétences en consultant les partis politiques de la majorité pour la désignation du premier ministre en charge de la coordination du gouvernement.
Comme promis par Amar Saâdani, qui était visiblement dans la confidence, l’opposition verra désormais son poids rehaussé dans le parlement avec la possibilité de saisir le conseil constitutionnel sur les lois votées par le parlement mais également en ayant droit à une séance mensuelle dans chaque Chambre à l'examen d'un ordre du jour proposé par l'opposition.
Le pouvoir législatif, d’une façon générale et son contrôle sur le Gouvernement est également affirmé dans ce nouveau projet qui indique, entre autres, que la majorité parlementaire sera consultée par le président de la République pour la nomination du Premier ministre (article 77) et que le recours aux ordonnances présidentielles sera limité aux seuls cas d'urgence durant les vacances parlementaires (article 124).
Il est également fait obligation au Premier ministre de présenter annuellement au Parlement la Déclaration de politique générale (article 84). Le Conseil constitutionnel, non seulement il n’est pas rayé de la carte institutionnelle, comme l’ont laissé entendre certains écrit de presse, mais il a vu son rôle conforté.
D’abord en ayant désormais la possibilité de proposer et d’amender les lois votées par l’APN. Puis aussi le fait de disposer d’une sorte de privilège régalien avec cette primauté dans l’examen des projets de lois relatifs à l'organisation territoriale, à l'aménagement du territoire et au découpage territorial.