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Chute du cours du pétrole : un discours de vérité garant de la sécurité nationale

18-07-2015 14:40  Contribution

La situation socio-économique de l’Algérie au vu de la chute du cours des hydrocarbures devient variablement inquiétante. Pourquoi n’avoir pas suivi les recommandations que j’ai faites au gouvernement en novembre 2014 que certains experts découvrent que maintenant vivant d’illusion après avoir déclaré un retour du cours à 100 dollars. Gouverner c'est prévoir. Souvenons nous des impacts de la chute des cours du pétrole en 1986 sur la société algérienne : crise financière, crise économique, crise sociale (révolte de 1988) et crise politique avec une véritable guerre civile qui a engendré plus de 200.000 morts selon les données du président de la République. L’Etat ne pouvant plus distribuer des revenus sans contreparties productives pour calmer le front social avec un point culminant, cessation de paiement fin 1993 et rééchelonnement en 1994. Quel système de communication afin d’éviter l’information informelle, la rumeur dévastatrice dont l’origine est le manque de transparence renvoyant d’ailleurs à la démocratisation de la société dans son ensemble où l’Algérie doit profiter de cette crise pour se diversifier, objet de cette brève contribution.

1 - Comme le note mon ami le docteur Emile H. Malet directeur de la revue internationale ADAPES, président du Forum mondial du développement durable dans son dernier ouvrage « défendre la civilisation face à la mondialisation (Paris- 2014), le monde est en pleine décomposition et l'univers s'apparente de plus en plus à un cirque économique qui s'est affranchi de la culture des anciens et des valeurs universelles Il est temps de redémarrer sur des bases neuves, oser la culture du risque, établir une justice sociale, vivre le cosmopolitisme culturel pour un devenir solidaire et défendre les valeurs de notre civilisation oubliée, concilier le présent qui doit être scruté aux lumières du passé, en fait concilier la modernité et les traditions qui recèlent des trésors culturels qui pourraient nous permettre de vivre mieux ensemble en favorisant une société participative et citoyenne.

En ce monde turbulent et incertain, sous réserve d’une gouvernance renouvelée, l’Algérie malgré la chute du cours des hydrocarbures a l’ambition de ses choix. La majorité des responsables algériens ne savent pas communiquer, provoquant parfois des dégâts tant au niveau national qu’international sans compter les coûts financiers. Or la communication doit se faire au temps réel. Dernier exemple en date, le rapport de juillet 2015 de la banque d’Algérie relatant des données du premier trimestre 2015 alors que ces données ont été publiées déjà au niveau international fin mars 2015 et j’en avais fait l’écho à la presse algérienne( voir www.google.com). Pourquoi donc ce retard dans l’information de trois mois en ayant espéré avoir le rapport de fin juin 2015. Par ailleurs, certains responsables à intervalles réguliers, sur de sujets stratégiques qui engagent l’avenir de la nation, se contredisent dans leurs discours, assistant également à des discours contradictoires d’un département ministériel à un autre et d’autres apprennent le dysfonctionnement de leur secteur à travers la presse nationale.

2 - La crédibilité du pays est ainsi remise en cause, laquelle doit reposer sur la constance des postions mais également devant être adaptée aux nouvelles réalités mondiales. D’où l’importance d’une bonne communication se fondant sur un système d’information cohérent, un discours de vérité, où avec la révolution du système des télécommunications, le monde est devenu une maison en verre. Les discours et le système de communication doivent mettre en relief les insuffisances mais également les efforts considérables fournis durant la période 1963/2O14 dans le domaine socio-économique, international du pays et les atouts quand à son immunité et sa crédibilité face aux puissances de ce siècle. Le concept de crise que traverse notre pays doit se hisser au niveau de la crise du monde et ne pas rester une crise de société bloquée et sous-développée. Le monde entier est aujourd’hui traversé par une crise des pouvoirs, d’identité, et de savoir.

Le décalage entre ce que nous pouvons faire dans ces domaines et ce que nous ne pouvons pas faire doit traverser, frapper les esprits et créer une dynamique qui impliquerait tous les citoyens, afin d’en faire de vrais acteurs : sans adhésion se fondant sur une société participative, il est impossible de rétablir la confiance et de relever les défis d’un processus de développement multidimensionnel : la méthode étant persuasion et simplification. Cela renvoie à l’Etat de droit et à la bonne gouvernance. Un pays qui veut se développer doit préparer les choix importants qui doivent indiquer : comment se pose le problème, quelles sont les contraintes techniques, quels sont les choix possibles et les ensembles de choix cohérents et quelles sont les conséquences probables de ces choix ? Les études technico-économiques permettent rarement de prévoir de façon absolue les conséquences d’un choix. La plupart des décisions économiques se présentent comme des paris et les études ne sont finalement, que « des réducteurs d’incertitude » Les facteurs technico-économiques ne sont d’ailleurs pas les seuls à influencer les responsables. Des considérations humaines et politiques et géostratégiques sont souvent déterminantes.

3 - Six recommandations : transparence dans la communication et discours de vérité

Premièrement, étant à l’ère d’internet où le monde est devenu une maison en verre, il s’agit de préparer l’opinion médiatiquement et organiquement aux ajustements structurels et sociaux entre 2015/ 2020 par le biais d’une communication active, afin de redonner CONFIANCE. C’est une condition incontournable pour impliquer la population qui a besoin, de croire que les réalisations futures sont à sa portée. L’objectif est le redressement national au profit de la collectivité nationale.

Deuxièmement, la prise en charges des demandes exprimées par une couche sociales ne doit pas perdre de vue le fait qu’on peut dans certaines situations s’opposer pour des raisons tant économiques que de sécurité nationale à des mesures populistes suicidaires, forcément anti-populaires. Les discours doivent être convaincants fait par des personnes crédibles et on revient à la MORALE. Les Algériens souhaitent que leurs responsables leur ressemble, ces dernier devant éviter d’essayer que c’est au peuple de leur ressembler. C’est le cas pour l’Algérie actuellement devant procéder à des ajustements économiques et sociaux douloureux, si l’on éviter de revenir aux années 1990 et donc avec l’épuisement des réserves de change au FMI, ne pouvant continuer à verser des salaires sans contreparties productives (suicide collectif) Mais l’austérité doit être partagée. L’exploitation de la crise peut apporter gros si elle est perçue comme un demi-mal et si elle permet d’approfondir les réformes structurelles, la réhabilitation du travail et de l‘intelligence.

Troisièmement, les Algériens sont angoissés et même très angoissés par les assauts de la nature, par la violence humaine et les déchéances sociales et économiques. Il faut que les discours se présentent sans démagogie avec la modestie qu’exigent le mental algérien et trouver des réponses réelles qui répondent à ces angoisses.

Quatrièmement, la société algérienne comme toutes les sociétés humaines est structurée en fonction de plusieurs paramètres sociologiques : catégories d’âge, profession, sexes, statut sociale, statuts religieux, statut politique. Pour ce faire l’inventaire de ces catégories est essentiel pour le ciblage médiatique et surtout convaincre et le discours doit s’imprégner de choses banales tirées du quotidien et éviter la langue de bois.

Cinquièmement, la communication moderne doit utiliser les nouvelles technologies, l’information étant donnée au temps réel à travers Internet, et reste une affaire de terrain, de travaux d’enquêtes, d’une information crédible, système qui s’est effritée et donc non de bureaux climatisés.

Sixièmement, les discours doivent éviter le soufflement et la monotonie, innover sur le plan de la forme et du contenu, éviter tant la sinistrose que l’autosatisfaction destructrice, l’opinion publique nationale se liguant normalement autour de discours rassembleurs capables de lui réaliser un certain accomplissement.

4 - Evitons de vivre de l’illusion de la rente éternelle et méditons le déclin de l'Espagne pendant plusieurs siècles après l'épuisement de l'or venant d'Amérique et certainement le déclin des sociétés actuelles qui reposent essentiellement sur la rente, vivant d'illusion à partir d'une richesse monétaire fictive ne provenant pas de l'intelligence et du travail. Méditons l’expérience de la Grèce un pays qui avoisine selon l’OCDE 10,96 millions d’habitants, et un PIB de 237,6 milliards de dollars en 2014, (en diminution en 2015) presque légèrement supérieur à celui de l’Algérie (216 milliards de dollars) qui approche 40 millions d’habitants. Espérons que nos gouvernants en tireront les leçons pour l’avenir et surtout tirer les leçons du passé. Évitons les louanges par la soumission contre-productive en contrepartie de la distribution de la rente, annihilant toutes actions novatrices, devant émettre des idées constructives, par un discours de vérité.

L’Algérie a connu les effets de la crise de 1986, une cessation de paiement et un rééchelonnement en 1994, une période d instabilité politique et sociale, une récession économique entre 1990/2000, avec de fortes tensions sociales, la population, notamment les couches moyennes qui se sont paupérisées, ayant payé un lourd tribut vu avec l’ajustement structurel imposé par le FMI. L’Algérie exporte en 2015 toujours 98% en hydrocarbures, important 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15%, le niveau de l’enseignement fondement du développement s’est nettement détérioré (les services dépassant 11,5 milliards de dollars annuellement entre 2011/2014). Les sorties de devises (biens et services) sans les transferts légaux de capitaux selon la banque d’Algérie ont été de 71,5 milliards de dollars en 2014, certains projets non maturés ont un surcoût variant entre 15 et 25% et la productivité du travail est une des plus faibles au niveau de la région MENA selon le rapport de l’OCDE.

Les réserves de change sont en train de fondre, ayant baissé de 32 milliards de dollars ente juin 2014 et le 30 mars 2015 et le fonds de régulation des recettes s’établit à 42 milliards de dollars au 30 juin 2015 (cours 95 dinars un dollar) avec un déficit budgétaire de la loi initiale des finances de 2015 de 44 milliards de dollars sera rectifiée avec la loi de fiances complémentaire en espérant que la rationalisation des choix budgétaires s’attaquera aux problèmes fondamentaux en ne pénalisant pas les couches les plus défavorisées: à court terme, réorientation du choix de l’allocation sectorielle, démystifier le secteur privé national et international,créateur de richesses, lutte contre les surcoûts, projets alignés sur les normes internationales, et subventions ciblées.

Mais à moyen et long terme, les batailles futures pour le développement en Algérie face aux bouleversements géostratégiques mondiaux entre 2015/2025 qui s’annoncent irréversibles tant dans le domaine politique, militaire, économique qu’énergétique, seront conditionnées par la bonne gouvernance et la valorisation du savoir. L’on ne peut continuer à naviguer à vue, l’Algérie ayant besoin de discours réalistes s’articulant autour d’une vision stratégique définissant son devenir pour rétablir la confiance brisée Etat-citoyens, la solution bureaucratique étant le changement perpétuel d’organisations qui ont un coût énorme. Puisse en ce jour de la célébration de la fête de l’Aïd, en souhaitant à la population algérienne et au monde musulman bonheur et prospérité, pouvoir et oppositions être guidés non par des intérêts étroits mais privilégier les intérêts supérieurs du pays. Il y va de la sécurité nationale.

Abderrahmane MEBTOUL (docteur d’Etat-1974) -Professeur des Universités, Expert [email protected]



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