Algérie 1

Icon Collap
...

Boualem Sansal : gare au terrorisme à bas coût !

21-07-2016 19:58  Khidr Ali

84 morts d’un coup, sans armes, sans déploiement de grands moyens humains et matériels, c’est un formidable succès pour la « planète islamiste ». L’exploit va encourager beaucoup de jeunes radicalisés à passer à l’action, à tenter de faire aussi bien, sinon mieux. l’esprit d’émulation les travaille réellement au corps. Le choix de la date montre, comme chaque fois, combien les islamistes accordent d’importance au symbole. Là, ils ont fait fort : le 14-Juillet ! Il n’y a pas date plus importante pour la France !On a envie de crier, « je suis la France », « je suis Nice » pour dire sa peine et sa solidarité, mais on sait déjà que ça ne sert à rien, le temps de la prise de conscience n’est pas encore arrivé. Ce jour, il suffira d’un seul mot pour que la peur et la défaite changent de camp.Que va-t-il alors se passer ? Rien. On va enterrer les morts et soigner les blessés et la vie reprendra son cours cahin-caha. On renforcera le dispositif sécuritaire d’un petit cran, mais pas plus, ça coûte horriblement cher, ces gadgets qu’on installe partout et évidemment pour rien. Les services de sécurité, déjà épuisés, devront encore prendre sur eux, faire plus avec moins, et espérer que le pouvoir politique ait une idée avant que tout casse. Les états-majors vont beaucoup se demander s’il faut mettre la sécurité, le terrorisme et l’islamisme au cœur de la campagne présidentielle ou au contraire regarder ailleurs, vers le Brexit.Sur le plan technique, il y aura des évolutions dans l’action terroriste, il faudra les suivre attentivement. Chaque terrorisme a besoin d’inventer son mode opératoire à lui, qui sera sa signature et qui produira l’effet le plus important pour le coût le plus bas. Tant qu’il n’a pas « son truc », il se sent comme diminué, ne pouvant pas entrer pleinement dans son rôle de héros exceptionnel. Pour le moment chaque groupe ou individu terroriste fait ce qu’il veut, comme il peut. Ils ne savent pas mais autour d’eux et au-dessus d’eux s’opèrent des processus d’agrégation, d’organisation, de reproduction.

La bataille d’Alger

En Algérie, durant la bataille d’Alger (1957), le FLN après avoir usé de diverses méthodes (attentat au pistolet, égorgement, incendie, le tout improvisé plutôt que réfléchi et planifié…) a trouvé la méthode qui allait être sa signature, qui donnerait l’effet le plus grand (action psychologique sur les populations, nombre de victimes, retentissement médiatique, destruction de lieux qui symboliseraient la vilenie de l’ennemi…), pour le coût le plus bas (la mort éventuelle du terroriste ou du commando). Ce fut l’attentat à la bombe dans des cafés phares de la capitale, très courus par la bourgeoise algéroise (La Cafétéria, Le Milk Bar, L’Otomatic, Le Coq Hardi), commis par de jeunes Algériennes se faisant passer pour des Européennes délurées. En adoptant une seule méthode, facile à mettre en œuvre, le FLN allait cependant donner à l’armée française une base de travail et d’enquête qui allait aboutir au démantèlement du réseau « bombes », créé par Yacef Saadi, le responsable de l’action armée du FLN à Alger. La bataille d’Alger aura duré neuf mois, au terme desquels le FLN a cessé toute action armée dans la capitale.

Le jour où plusieurs attentats en France se feront sur le même mode, on comprendra que les islamistes en charge de l’action terroriste en France, se sont organisés, qu’ils ont une direction unique, que celle-ci s’est forgé une unité de pensée et a choisi un mode opératoire pour son action armée pouvant se démultiplier au moindre coût. A partir de là, seulement, les services de sécurité pourront définir une stratégie de lutte antiterroriste qui mènera à la destruction de l’organisation. Se posera alors la vraie question : le politique saura-t-il exploiter la victoire sur le terrorisme ?Boualem Sansal

 



Voir tous les articles de la catégorie "Actualité"