C’est un secret de polichinelle de dire que l’activité de concessionnaires de véhicules est une véritable assiette au beurre. Des fortunes à faire pâlir de jalousie même les oligarques russes sont bâties de manière fulgurante.
Le comble est que ceux qui ont l’exclusivité des grandes marques, donc gros vendeurs, sont aussi de gros tricheurs avec les impôts. Du moins à en croire le ministre du commerce. « Nous nous sommes rendus compte d'une chose qui est quand même incroyable: C'est parmi les plus grands vendeurs de voitures en Algérie qu'il y a moins de déclaration d'impôts. Cela veut dire que leurs marges (bénéficiaires) sont faites à l'étranger", a révélé Amara Benyounès. Il s’agit paradoxalement des marques françaises Peugeot et Renault et Toyota.
"Nous sommes le seul pays au monde où nous pouvons importer autant de voitures que nous voulons. Les concessionnaires algériens ne sont jamais limités dans le nombre de leurs importations", a encore fait savoir Benyounès qui ajoute aussi que "tous les concessionnaires automobiles, sans aucune exception, sont astreints par les constructeurs à importer (pour le marché algérien) un certain nombre de véhicules", ce qui a permis, parfois, d'introduire sur le marché national des véhicules avec de fausses dates de fabrication.
Ainsi, "Il est possible que vous achetiez une voiture en 2015 alors qu'en réalité, elle a été fabriquée en 2014 ou en 2013", selon le ministre du commerce.
Un crime économique
Il est vrai qu’avec une demande aussi forte, la tentation de la triche ne peut qu’être forte chez les concessionnaires. Durant les dix dernières années, l'Algérie a importé entre 350.000 et 400.000 véhicules en moyenne annuelle pour une facture estimée à plus de 5 milliards de dollars annuellement, ce qui est en vérité un crime économique parce que avec ces dizaines de milliards de dollars, l'Algérie aurait créé un véritable industrie de l'automobile, quand on sait qu'avec 50 malheureux millions, Renault a pu monter une usine d'assemblage de véhicules à Oran, même si le choix de la Symbol est un choix malheureux.
Ce qui a fait dire à Benyouès et à juste titre d’ailleurs que l’Algérie « est devenue une très grande aire de stockage de voitures. Aucun pays au monde ne fait ça ». Le constat est accablant. Mais que compte faire le gouvernement pour mettre fin à cette gigantesque aberration ? Les concessionnaires automobiles seront tenus, à partir de 2016, de déclarer l'impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS), et ce, dans le cadre de la mise en place des licences d'importation.
Ces licences d’importation sont prévues par le projet de loi sur le commerce extérieur, qui sera présenté en plénière dimanche prochain à l'Assemblée populaire nationale (APN), et elles seront appliquées exclusivement sur "les gros chapitres qui touchent d'une manière sérieuse la balance commerciale du pays", a annoncé le ministre du commerce.
La mesure risque de faire mal et le ministre le reconnait en affirmant que "nous allons toucher de très gros intérêts. Nous allons toucher des lobbies importants, qui sont installés dans le commerce extérieur et qui sont dans l'importation depuis une quinzaine d'années avec des chiffres d'affaires absolument astronomiques, mais n’ont jamais daigné investir dans l'industrie pour, au moins, créer des emplois ».
Que Benyounès brandisse la menace contre les concessionnaires fraudeurs, c’est de nature à susciter l’adhésion de tous. Sauf qu’à vouloir bousculer certains intérêts, dont les vrais détenteurs sont dans les instances décisionnelles, il risque de payer pour son audace.