C'est une étude de la célèbre revue Lancet qui l'annonce : allaiter ses enfants diminue le risque de cancer du sein. Mais attention, il ne suffit pas de nourrir quinze jours ses chérubins, il faut attendre un an pour que la diminution du risque soit significative.
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. 42 000 nouveaux cas apparaissent chaque année en France, et 11 000 décès par an lui sont directement liés.
Certains facteurs de risques sont déjà bien connus : la prédisposition familiale avant tout, mais également la puberté précoce, la ménopause tardive, et l'absence de grossesse. Cette fois-ci, l'équipe du Pr Valérie Beral du Centre de recherche sur le cancer d'Oxford a prouvé scientifiquement qu'un allaitement prolongé diminue le risque d'apparition de ce cancer.
Une étude de grande ampleur
Pour y parvenir, ils ont réalisé ce que les chercheurs appellent une métaanalyse. Le principe de ce type d'enquête est de réunir les données du plus grand nombre possible d'études sur le sujet, et de les réanalyser dans leur ensemble. Le fait de réunir des études permet de disposer de données sur un très grand nombre de personnes, et d'obtenir une puissance statistique qu'on n'obtient pas sur de plus petits échantillons.
Les chercheurs ont ainsi réuni les données de 47 études réalisées dans 30 pays différents, et portant au total sur près de 150 000 femmes. Un tiers d'entre-elles étaient des "cas", c'est-à-dire des femmes ayant eu un cancer du sein, et les autres des témoins, c'est-à-dire des femmes indemnes de la maladie.
Sur cette population artificiellement reconstituée, les chercheurs ont retrouvé le fait que l'absence de grossesse était un facteur de risque : les femmes avec cancer avaient eu, en moyenne, moins d'enfants que les femmes indemnes (2,2 contre 2,6 enfants par femme). Les femmes présentant un cancer avaient allaité moins souvent, et moins longtemps que les témoins. Le risque de cancer était diminué de 4,3 % pour une année d'allaitement supplémentaire, sachant que le risque était déjà diminué de 7 % pour chaque naissance.
Des résultats valables pour une population
Bien entendu, il s'agit de données statistiques, qui n'ont de valeur que pour un groupe de personnes. Au niveau individuel, il est possible qu'une femme ayant eu de nombreux enfants et ayant allaité plusieurs années ait un cancer du sein par la suite, comme il est possible qu'une femme sans enfant n'ait pas de cancer. En revanche en moyenne, la première a moins de risques que la seconde de développer un cancer du sein.
Les chercheurs expliquent l'augmentation du nombre de cancers du sein à laquelle on assiste actuellement dans les pays développés par la diminution du nombre d'enfants et la diminution de la pratique de l'allaitement. Ils ajoutent que si toutes les femmes allaitaient 6 mois de plus dans les pays occidentaux, on pourrait éviter 25 000 cancers du sein chaque année. En revanche, ils n'avancent pas d'explication évidente. Deux pistes sont cependant évoquées : la sécrétion de prolactine (hormone responsable du développement et du maintien de la lactation) pendant l'allaitement pourrait être bénéfique, ou alors la diminution de la sécrétion d'hormones féminines qu'elle entraîne aurait un effet favorable.
Allaiter plus longtemps. Oui mais…
Les vertus de l'allaitement sont bien connues : le lait maternel est parfaitement adapté aux besoins du tout-petit et sa composition évolue dans le temps pour correspondre à ces besoins. Il contient, notamment dans les premiers jours, des anticorps qui vont le protéger contre les infections. Il a été prouvé que l'allaitement diminuait les maladies du nourrisson, comme les diarrhées et les otites.
Pourtant, l'allaitement n'a plus la cote. En France, un peu plus de la moitié des femmes seulement allaitent à la naissance. Et elles ne le font que pendant deux à quatre semaines, rarement plus. Par contre dans les pays nordiques 90 % des femmes nourrissent leur enfant.
En revanche, il est difficile pour le moment de faire l'impasse sur les conditions pratiques. Les jeunes maman qui travaillent savent bien qu'il est concrètement impossible de continuer à allaiter et de replonger dans la vie professionnelle. Même si on essaie au début de maintenir les tétées du matin et du soir, l'enfant qui a connu le biberon apprécie peu la transition.
Il est également fréquent que le lait se tarisse avec le changement de rythme. Alors, faut-il militer pour un allongement de la durée du congé maternité ? Les scandinaves, qui accordent beaucoup d'importance à la relation mère-enfant, permettent aux femmes de rester un an avec leur petit. Et si c'était le meilleur moyen de prévenir le cancer du sein ?
(Doctissimo)