Les arrestations de l’homme d’affaireIsaad Rebrab, patron de Cevital, et des frères Kouninef du groupe éponyme, etleurs mises scène spectaculaires dans des fourgons de la gendarmerie nationale endirection du tribunal de Sidi Mh’amed ont choqué l’opinion.
Indépendamment des chefs d’inculpationqui pèsent sur eux, cette opération coup de filet a démultiplié la tension danstout le pays. Un climat de suspicion généralisé gagne l’opinion qui redoute uneinsidieuse opération de règlement de comptes contre des patrons qui ne sont pasdans les bonnes grâces du nouveau pouvoir.
Parce que, il ne faudrait pas être naïf,la justice n’a bougé qu’après l’avertissement sous forme d’un ordre du chefd’état-major de l’Armée, Ahmed Gaid Salah, dans son derniers discours prononcé àOuargla.
Ce jour-là, il avait annoncé laréouverture des scandales de corruption qui avaient éclaboussé l’Algérie durantles années Bouteflika, en citant notamment les affaires de Sonatrach, d’al-Khalifa et de Kamel Chikhi (cocaïne).
Mais on était loin de penser qu’unesemaine après, le patron du premier groupe privé algérien, Isaad Rebrab allaitse faire embarquer comme un malfrat dans un fourgon cellulaire, lui qui étaitreçu par des chefs d’Etats étrangers. Les algériens n’en croyaient pas leursyeux.
Pour les frères Kouninef, on s’y attendaitun peu compte tenu de leurs connexions avec l’ex clan présidentiel et l’exprésident du FCE, Ali Haddad, qui croupit depuis plus de 20 jours à la prisond’El Harrach pour une histoire de double passeport qui méritait tout au plus une mise en examen et une convocation devant le tribunal.
Mais il appartient évidemment à lajustice de prouver le fondement ou pas des graves délits qui pèsent sur ceshommes d’affaires.
Se pose alors la question de savoir si lajustice est vraiment libre en l’état actuel des choses pour statuer sur d’aussilourds dossiers aux connexions politiques évidentes qui ne sont pas au-dessusde tout soupçon de règlements de compte.
Gaid Salah a beau être aujourd’hui levrai chef du pays grâce à ses galons et ses divisions, il n’en est pas moinsmal placé pour actionner la justice.
Il n’est pas dans son rôle du fait qu’ilne soit, légalement qu’un vice-ministre de la Défense d’un gouvernement composépar l’ex clan présidentiel, voire peut être même par la «Issaba» (bande) et lesforces constitutionnelles» qu’il ne cesse d’avertir dans ses discours.
Le propos ici n’est pas tant de plaiderla cause de M. Rebrab et des frères Kouninef qui sont après tout, desjusticiables comme n’importe quel algérien.
Néanmoins le timing et le modeopératoire de leurs arrestations soulèvent de légitimes inquiétudes.
Qu’est ce qui fait courir le chef d’état-major pour exiger urgemment les têtes de ces patrons ?
Est-il crédible de lancer une telleopération inédite par la justice alors même que le pays est englué depuisplus de deux moins dans une grave crise politique qui plus est, avec desinstitutions héritées de l’ancien régime et rejetées par le peuple ?
Quel signal veut-on donner au peuple maissurtout à nos partenaires étrangers quand on broie de cette manière un hommed’affaires aussi crédible à l’international qu’un Isaad Rebrab ?
On peut multiplier à l‘envi lesinterrogations qui sous-tendent cette orchestration digne d’un polar de sérienoire.
Le bon sens et la logique auraient vouluqu’on attende que soit installées les nouvelles institutions élues par lepeuple avant de lancer ces chasses aux sorcières.
A moins que l’objectif recherché ne soitjustement moins celui de faire œuvre de salubrité publique que de mettre horsd’état de nuire des adversaires politiques (en s’attaquant aux hommesd’affaires qui leur sont proches) pour peser lourdement sur les choixpolitiques à venir.
Le fait est que ces arrestations sontintervenues curieusement (?) le jour même de la tenue (et de leur échec) des consultations politiques de Bensalah en prévision de la présidentielles du 4juillet prochain.
Y aurait-il une relation decause à effet dans ce télescopage calendaire ? Peut-être bien.
Le secrétaire général de la présidence,Hebba El Okbi, a d’ailleurs bizarrement annoncé que l’élection présidentielle estmaintenue, alors même que le peuple et la classe politique ont signifié leurrejet net et sans appel.
Assistons-nous à un début du passage enforce qui verrait l’état-major adouber un candidat «maison» qui sera couronnéen juillet envers et contre le peuple ?
On ne peut désormais rien exclure danscette atmosphère viciée et ces coups fourrés contre le mouvement populaire quipensait pourtant avoir fait le plus dur. Gaid Salah qui prendra la parole pourla 18ème fois depuis le 22 février, demain à Blida, éclairerasûrement ces sombres perspectives.