Situation politique en Algérie : les observations l’ancien ambassadeur des USA à Alger
Par Nabil Semyane
| 13 Aout 2019 | 15:08
Robert
Ford, ancien ambassadeur US en Algérie, dans les années 90 et parfait connaisseur
du monde Arabe, s’est penché , dans une contribution parue dans Acharq Al- Awsat sur la situation politique en Algérie à
la lumière du bras de fer entre l’institution
militaire et le Mouvement populaire et pose des hypothèses sur les différents scénarii.
Considérant que «
l’Algérie est à la croisée des chemins mais on ne sait pas exactement quel
chemin elle empruntera entre évolution et révolution violente », le
diplomate américain qui suit de près la situation en Algérie, écrit le
diplomate dans une contribution intitulée
« Algérie: le marteau et l’enclume », ajoutant que « la commission de dialogue qui
tente d’élaborer un plan d’élections acceptable pour le peuple algérien…se
situe entre le marteau de l’armée et l’enclume du mouvement de protestation de
rue (les Algériens l’appellent le hirak) ».
Robert
Ford note dans son texte que « l‘institution
militaire n’accepterait aucune condition de la part de la nouvelle commission
du dialogue ou du mouvement de protestation Hirak avant le début du dialogue »,
indiquant que le chef d’Etat major des l’ANP, Ahmed Gaid Salah a « promis
de ne pas libérer les manifestants arrêtés, de continuer à interdire le port de
la bannière amazigh et de continuer à déployer les forces de sécurité en marge
des manifestations ». Pour lui, le plus important pour Gaid
Salah, est « que des élections présidentielles soient organisées
dans les meilleurs délais sous l’autorité du gouvernement en place».
Toutefois,
cela n’a pas empêché lors des manifestations du 9 août à la vingt-cinquième
semaine de grandes marches de protestation à travers l’Algérie de rejeter
l’avis de Gaïd Salah, puisque « certains manifestants portaient à
nouveau la bannière amazigh. Les marches d’Est en Ouest ont de nouveau exigé
une rupture complète avec le gouvernement en place et ont rejeté les élections
de Gaid Salah jusqu’à ce que le gouvernement en place soit complètement
remplacé », note encore l’ancien représentant de la Maison blanche
en Algérie.
Poursuivant
son analyse, Robert Ford estime qu’il « est important de noter que
l’armée et le hirak ont des faiblesses ». Selon lui, «
le hirak n’a pas de leader clair » et « le nombre de manifestants
dans les rues tous les vendredis et mardis a diminué. Une autre raison est
qu’après six mois, le mouvement de protestation n’a pas réussi à faire chuter
le régime ».
Réagissant à l’appel des manifestants pour une désobéissance civile, Ford croit pouvoir affirmer que « l’adoption de cette stratégie intensifierait la
confrontation entre l’armée et le hirak ». Or que cela n’est
pas évident à réaliser car « beaucoup d’Algériens se
souviennent encore de la décennie noire des années 90 et n’ont donc pas encore
trouvé d’accord au sein du hirak sur la désobéissance civile »
a-t-il ajouté.
Quelle sortie de crise ?
A
la fin de sa contribution, l’ancien ambassadeur s’est demandé quels étaient les
scénarios possibles et quelles seront les capacités des deux clans, -Hirak et
autorités-, à arriver à une entente.
Dans ce sens, il souligne que « les Amis de l’Algérie
espèrent que ce pays, qui a des histoires, des caractères et des talents
culturels différents, peut éviter le suicide politique. Partout dans le monde,
on se rend compte que dans la confrontation jusqu’à présent, les deux parties
ont fait preuve de retenue ».
Toutefois, il pose une série de questions sur la possibilité que l’Algérie évite
un scénario de violence et se demande si « la commission de dialogue peut
être utile, mais Gaid Salah acceptera-t-il d’offrir des concessions au
mouvement de protestation afin que la commission de dialogue gagne en
crédibilité auprès du Hirak ? Les politiciens et les penseurs algériens
peuvent-ils élaborer un plan politique dans lequel la population a confiance? »
Rappelant son expérience du dialogue en Irak, il a souligné que « la
mise en place d’un mécanisme électoral indépendant, fort et neutre à partir de
zéro nécessite beaucoup de temps et de négociations ». Il se
demande aussi « si la commission de dialogue et les experts algériens
élaborent un plan politique, comment peuvent-ils convaincre le mouvement de
protestation de rue qui n’a pas de dirigeant et ne veut pas de dirigeant? Les
manifestants hirak frustrés continueront-ils à éviter une confrontation directe
qui pourrait dégénérer en violence? ».
Robert Ford conclut son propos en affirmant qu'en cet été chaud, quand
j’observe l’Algérie, j’aime bien le dicton arabe: ««La précipitation mène au regret, et la sérénité conduit à la paix».